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faire respecter. Aussi, dans aucun cas, n’avons-nous d’inquiétude pour nos compatriotes.

Quelques personnes en France paraissent voir cette émigration basque avec déplaisir et voudraient que le gouvernement l’arrêtât, ne fut-ce que pour la diriger sur Alger. Nous ne saurions partager une pareille opinion. Il est possible que les bras deviennent un peu plus rares et le travail un peu plus cher dans certains arrondissemens des Landes et des Basses-Pyrénées ; mais, avec la paix dont nous jouissons, ces vides se rempliront rapidement, et les quinze mille Français, plus ou moins (dont un grand nombre conserve l’esprit de retour), qui vont s’enrichir au dehors, valent mieux pour la France que s’ils restaient pauvres au dedans. Si à Montevido ils réclament la protection de ses vaisseaux et peuvent lui occasionner de temps en temps quelques embarras, il n’en est pas moins vrai qu’ils ne cessent de lui appartenir, et paient sa protection en consommant au dehors des produits français qu’en France ils n’auraient jamais pu acheter. C’est une colonie qui ne coûte rien à la métropole. Quant à détourner l’émigration basque sur Alger, nous croyons qu’on n’y réussirait pas de si tôt, par la raison toute simple que les Basques ne trouveraient pas dans l’Algérie les immenses ressources que leur offre la Bande Orientale. Leur travail et leur industrie sont des marchandises qu’ils vont vendre sur le marché où ils en reçoivent le meilleur prix. Laissons la guerre accomplir son œuvre dans l’Algérie ; laissons nos braves soldats y déblayer le terrain, et la colonisation se fera ensuite d’elle-même, dès que le travail des colons y sera sûr et avantageusement rémunéré.

Les Basques établis à Montevideo restent fort unis entre eux. Déjà trop nombreux dans la masse de la population, ils ont leurs bals, leurs jeux de paume, leurs auberges tenues par des femmes de leur pays. Ils conservent aussi leur langue, qui ne ressemble à aucune autre, et, femmes et hommes, leur coiffure nationale. C’est plaisir de les voir le dimanche, si joyeux, si dispos et si propres, dans ces grandes et jolies maisons bâties par eux et pour eux sur la route du Miguelete, et de penser qu’ils sont destinés, selon toute apparence, à changer l’aspect de ces belles campagnes, comme ils ont déjà changé celui de la ville.

On sait que toutes les villes bâties par les Espagnols dans le Nouveau-Monde l’ont été sur un plan uniforme, qui ne peut mieux se comparer qu’à un échiquier, comme l’a fait remarquer un auteur