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DU MONOPOLE DE L’INDUSTRIE DES TABACS.

de rechercher quelles spéculations ils doivent entreprendre, et quelle direction ils doivent donner à leurs entreprises. Les salaires ne seront jamais en rapport avec les besoins de l’ouvrier, car la production, devenue excessive de la part des fabricans, engendrera l’encombrement des marchandises, qui ne s’écouleront plus qu’à des prix désavantageux et pour le fabricant dont les bénéfices s’atténueront indéfiniment, et pour l’ouvrier dont le salaire diminuera dans les mêmes proportions. Il y aura ensuite, il y a déjà, interruption dans le travail, discontinuité dans le salaire, devenu insuffisant. C’est ainsi qu’on arrivera à une crise terrible, éminemment dangereuse, si on ne l’écarte par une prévoyance bien entendue, par une protection suffisante des intérêts de tous. Cette protection ne peut venir que du gouvernement.

Mais ce n’est pas en faisant dans nos habitudes, dans nos relations commerciales, une révolution qui compromettrait à la fois le gouvernement et la classe industrielle, ce n’est pas non plus en construisant un échafaudage plus ou moins solide de lois préventives, de mesures fiscales, de douanes, de prohibitions de toutes sortes, qu’on obtiendra la solution cherchée. Il faudrait, avec les élémens actuels, en profitant de toutes les ressources qui sont entre les mains du pouvoir, il faudrait reconstituer la sagesse, la prévoyance, le génie des fabricans, les aider dans leurs spéculations, les leur rendre faciles et fructueuses, mais aussi les surveiller et les arrêter quand ils se trouvent sur la pente qui mène à la ruine ; il faudrait donner aux ouvriers des garanties d’un travail certain et d’un salaire convenable. Il faudrait, en un mot, empêcher la guerre continuelle que font ceux qui ont à ceux qui n’ont pas, que fait le riche fabricant à toute la société pour amasser une richesse plus grande. Si on empêchait la compression du pauvre par le riche, on pourrait éviter par cela seul cette guerre plus rare, mais plus terrible au jour de bataille, la guerre de ceux qui n’ont pas contre ceux qui ont, guerre de vengeance sanglante qui, de coalition et d’émeute, devient souvent révolution.

Où sont donc les moyens de produire de tels résultats sans rien renverser, et sans élever de nouvelles institutions, que l’on redouterait sans doute ? Ils sont entre les mains du gouvernement, à qui nous ne demandons qu’un soin plus paternel des intérêts de tous. Que si nous développions en ce moment la solution que nous proposons du problème difficile que nous avons énoncé, on crierait : Utopie ! et la sentence de condamnation serait irrévocable. Mais si nous montrons que, dans une industrie spéciale, cette utopie (accordons le mot), cette utopie est réalisée par le gouvernement, si nous montrons que l’administration des tabacs ne progresse qu’en vertu des moyens que nous voulons signaler, nous aurons repoussé cette sentence de mort, cette condamnation dont on a souvent flétri de généreux efforts.

II. — vicissitudes de l’impôt du tabac en france.

On sait que le tabac et l’usage qu’on en fait on été transportés du Nouveau-Monde dans l’ancien par les conquérans de l’Amérique. À peine ont-ils