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des prix très réduits, et une classe de tabacs rejetés que l’on brûle. Les prix qui sont appliqués à chaque classe varient pour les divers départemens, et sont fixés par la régie d’après la qualité relative des tabacs de divers crus, en prenant pour terme de comparaison les prix des tabacs d’Amérique de qualité correspondante.

On voit que la culture du tabac est complètement à la merci de l’administration, et les planteurs sont soumis au régime le plus arbitraire qu’il soit possible d’imaginer. Dès qu’ils ont la permission de planter, ils sont sous la dépendance de la régie, dont les employés veillent incessamment sur les champs de tabac, et punissent d’amendes considérables les moindres infractions aux règlemens ; les planteurs sont forcés de passer par toutes les conditions qui leur sont faites, et d’accepter les décisions de la régie et les prix qui leur sont donnés. Ces prix étaient autrefois assez considérables pour encourager l’agriculture à supporter patiemment le régime de dépendance auquel elle est astreinte dès qu’elle cultive du tabac ; mais, depuis 1836, ces prix sont à peine suffisans pour indemniser le planteur de ses frais, et nul doute que l’agriculture, si les tarifs fixés à cette époque n’eussent pas été un peu augmentés, aurait bientôt renoncé, dans plusieurs départemens au moins, à la culture du tabac. Cet état de choses avait été amené par cette résolution de l’enquête de la chambre des députés, que la régie dans ses rapports avec les planteurs indigènes devra s’attacher à réduire les prix à leurs limites les plus étroites. Sur quelques points, les prix sont encore trop élevés. Le planteur doit obtenir un juste revenu de sa terre, mais il n’a pas droit à des profits extraordinaires pour une culture qui, sous un régime libre, serait loin d’offrir plus d’avantages que les autres cultures. L’art. 4 de la loi du 12 février 1835 laissait au ministre la faculté de fixer le tarif d’achat des tabacs indigènes, en se conformant à l’esprit de la résolution que nous venons de rapporter. L’ancien tarif, appliqué jusqu’en 1836, était déterminé sur des bases plus libérales ; d’après une moyenne de treize ans, le taux moyen de 100 kilogrammes était 70 fr. 84 c., ce qui portait le revenu de l’hectare à 868 fr. 19 c. Un nouveau tarif, fixé par décision ministérielle du 17 août 1835, ne fit plus monter pendant la seconde période de quatre ans, de 1837 à 1840, le taux des 100 kilog. qu’à 60 fr. 38 c., et le revenu de l’hectare ne fut plus que de 708 fr. 87 c. Pendant cette même période, la quantité de tabac demandée à la culture française baissa de 12 millions à 10 millions, et, à cause des mauvaises conditions atmosphériques, la quantité totale de tabac livré ne fut annuellement que de 8 millions de kilogrammes. Ainsi, malgré l’accroissement constant de la consommation, la culture indigène se trouvait en décadence évidente, décadence amenée par cette décision de l’administration, que le tabac indigène n’entrerait plus dans la fabrication que pour les quatre cinquièmes, au lieu des cinq sixièmes, et qu’on ne paierait plus le tabac qu’au plus juste prix. L’administration a de plus supprimé la culture du tabac dans les cantons dont les