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LE SALON.

dans une peinture une habileté pratique consommée, un esprit sain, une étude consciencieuse et patiente, aidée de beaucoup d’intelligence et d’adresse, un goût peu élevé, mais très sûr dans ses limites, se trouve dans celle de M. R. Fleury. Tout cela compose un talent extrêmement estimable, mais qui ne mérite que de l’estime. Il est déjà certes fort loin de la médiocrité, sans avoir encore atteint la véritable supériorité. Il manque de liberté, de facilité, d’originalité, de spontanéité. Il n’a aucune physionomie bien décidée, et, sans vous choquer nulle part, il ne vous prend fortement par aucun côté. Le style n’est proprement ni celui de l’histoire, ni celui du genre ; il est trop familier pour l’une, trop tendu pour l’autre ; le dessin est correct, ou plutôt exact, mais sans grandeur ; la couleur a de la solidité, de la finesse, et même, dans les tons locaux, de la force, mais elle est dépourvue de jeu, de vie, d’imagination ; ce n’est pas de la couleur de coloriste. Avec toutes ces restrictions, et quoique l’artiste ait mis un peu trop de solennité dans le récit d’une anecdote d’atelier, et dérangé sans nécessité de si grands personnages pour une bagatelle, son Charles-Quint n’en est pas moins une production distinguée.

Diderot raconte quelque part qu’un jour se promenant au salon, le peintre Chardin s’approcha de lui, le prit par la manche de son habit, et le conduisant devant un tableau, lui dit : « Tenez, monsieur Diderot, voilà un morceau de littérature. » Et Diderot ne prit pas le mot pour un éloge. On pourrait l’appliquer aussi à la composition de M. Papety, et dire : « Voici un morceau de philosophie. » S’il fallait juger de la valeur d’une peinture par les efforts de méditation qu’elle a coûtés à l’artiste, celle-ci serait certainement une œuvre insigne. Elle contient, dit-on, un sens profond, et remue tout un monde d’idées ; il n’est pas une figure, pas un mouvement, pas un détail, quelque petit qu’il paraisse, qui n’ait sa raison et une raison transcendante. On sait que cette grande page est un produit de l’école phalanstérienne. Cette secte est prometteuse ; elle ne parle jamais qu’au futur ; en attendant les bénédictions de toutes sortes qu’elle nous montre en perspective, elle nous donne un morceau d’art. C’est déjà quelque chose, et, sans être trop curieux, on est bien aise de faire connaissance avec l’art fouriériste. Plus circonspect encore que ses maîtres, M. Papety ne nous promet pas positivement le bonheur, il nous le fait voir de loin sous l’apparence d’un Rêve. On ne saurait être plus prudent.

Nous avouons ne rien comprendre à la pensée philosophique de ce