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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/31

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LES DEUX RIVES DE LA PLATA.

On nous permettra de nous borner à ces indications sommaires. Si nous voulions en dire davantage, nous courrions le risque de nous perdre dans le labyrinthe d’intrigues dont Montevideo est le foyer et que nous ne pouvons pas caractériser par le véritable nom qu’il faudrait lui donner. Tous les Coblentz se ressemblent, et Montevideo est un Coblentz au petit pied. Quoi qu’il en soit, l’administration de M. Vidal a eu dernièrement le bonheur et l’habileté de conclure avec l’Angleterre un traité de commerce, auquel le gouvernement anglais attachait beaucoup d’importance, qui a très vivement mécontenté le général Rosas, et amené une évolution politique assez singulière de la part de l’Angleterre dans le Rio de la Plata. Par ce traité, l’Angleterre a obtenu à Montevideo tous les avantages et toutes les garanties que lui assure à Buenos-Ayres celui de 1825 ; de plus elle y a déposé le germe vague et obscur d’un droit, qu’elle pourra régulariser plus tard, à faire le commerce sous son pavillon dans les eaux de l’Uruguay, droit qui aurait de grandes conséquences pour l’avenir de ces contrées, et dont la seule mention inquiète le gouvernement de Buenos-Ayres. Enfin l’Angleterre a blessé l’orgueil et les passions du général Rosas en traitant avec son rival, avec celui qu’il ne veut pas reconnaître pour le président légitime de l’état oriental et qu’il flétrit des noms les plus odieux dans les pièces officielles. Nous ignorons, néanmoins, si ce traité garantira Montevideo du retour d’Oribe, comme s’en étaient flattés les ennemis du général Rosas. Ce dernier a repoussé l’offre de médiation qui a été faite au nom de l’Angleterre et de la France, depuis l’arrivée de M. le comte Delurde à Buenos-Ayres, pour le rétablissement de la paix avec la Bande Orientale, et il est permis de douter que le gouvernement de sa majesté britannique donne à ses démarches le caractère d’une intervention active contre laquelle Rosas a fait protester d’avance par des cris de mort contre les étrangers[1].

L’ancien président Oribe nous paraît donc bien près de rentrer en

  1. Tout récemment, on a reçu la nouvelle assez surprenante que les ministres d’Angleterre et de France à Buenos-Ayres avaient réclamé du général Rosas victorieux la cessation immédiate des hostilités, et la retraite des troupes des deux parties belligérantes sur leur territoire respectif. Nous ignorons quelle suite peut avoir une pareille démarche, que l’état moral de Buenos-Ayres rend très grave. Quelques mots prononcés, il y a peu de jours, par M. Guizot, à la chambre des députés, semblent indiquer que le gouvernement du roi entend demeurer fidèle dans cette question aux principes de neutralité qu’il a proclamés depuis long-temps comme devant régir sa conduite et celle de ses agens dans les nouveaux états de l’Amérique du Sud.(N. du D.)