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LES CHEMINS DE FER.

piller nos ressources sur tous les points du territoire et dans toutes les directions, en embrassant l’impossible, c’est-à-dire un réseau d’environ 1,000 lieues de chemin de fer. Évidemment encore le système d’exécution défini et décrété par la loi du 11 juin est à peu près impraticable, en ce qu’il partage entre l’état et les compagnies des travaux que lie dans l’ordre naturel des choses une solidarité absolue. Enfin, par une contradiction qui énerve le principe même de la loi, en classant au nombre des chemins que l’état doit exécuter presque toutes les lignes qui se trouvaient comprises dans le projet ambitieux de 1838, on n’a ouvert que les crédits nécessaires à la construction de quelques tronçons. De cette manière, on n’a touché en perspective à l’infiniment grand que pour se réduire, dans l’application, à l’infiniment petit.

Par bonheur, cette loi incohérente et mal conçue porte en elle-même son correctif. L’amendement de M. Duvergier de Hauranne, qui est devenu le premier paragraphe de l’article 2, donne au gouvernement la faculté de choisir telle autre combinaison qui lui assurera le concours de l’industrie privée. Une liberté entière lui est laissée quant aux moyens d’opérer cette association. La loi n’exclut ni la garantie d’un minimum d’intérêt, ni la subvention directe, ni le prêt, ni le forfait ; et, comme M. Daru le fait remarquer, la loi ainsi amendée n’est plus qu’un cadre, qu’une sorte d’avant-projet.

La nouveauté de cette mesure législative, son utilité, son importance, consistent en ce qu’elle a posé et proclamé le principe de l’union entre deux forces rivales, entre l’état et l’industrie privée. Par là, on a reconnu que l’état, réduit à ses propres ressources, ne pouvait pas tout faire, et que les compagnies ne pouvaient pas aborder les grandes entreprises sans les encouragemens de l’état. Sur le degré, sur la forme de cette alliance à peine commencée, les opinions varieront peut-être ; mais la nécessité en est désormais démontrée, et le législateur l’a proclamée d’une manière irrévocable ; voilà ce que tous les bons esprits doivent considérer comme un progrès décisif.

Un premier effet de la loi du 11 juin, celui que l’on contestera le moins, a été de ramener vers les entreprises de chemins de fer l’esprit d’association, qui s’en était éloigné dans un moment d’effroi. Non-seulement les capitaux français sortent de leur torpeur, mais les capitaux étrangers, attirés par la garantie que leur offre la coopération du trésor, viennent chercher en France un placement qui manque déjà en Angleterre, et augmentent ainsi les ressources dont nous pouvons disposer. La moitié des actions émises pour la con-