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propriétaire de ces voies de communication, au moment où le capital dépensé à les construire doit se trouver amorti, le gouvernement aura la faculté d’exiger une réduction plus forte des compagnies qui les affermeront sans bourse délier. Mais cet avantage, l’état l’obtiendra dans tous les cas, les concessions n’étant pas perpétuelles en France ; reste à savoir si la perspective d’entrer plus tôt en possession vaut les efforts que l’on paraît disposé à faire dans ce but.

Dans l’opinion de tous les esprits pratiques, la subvention allouée par les pouvoirs publics, sous quelque forme qu’elle se produise, doit avoir principalement pour objet de faciliter l’exécution des chemins de fer. C’est une prime d’assurance que l’on donne aux compagnies contre les risques inhérens à ces gigantesques entreprises. Nous ne voyons pas la nécessité d’augmenter cette prime, en raison d’un abaissement à peu près chimérique qu’on se proposerait d’effectuer dans les tarifs.

Nous avons montré que le système du gouvernement, qui consiste à prodiguer l’argent aux compagnies pour épargner le temps, procédait d’une pure illusion. En suivant le système contraire, en prodiguant le temps pour épargner l’argent, on obtiendrait certainement de meilleurs résultats. Des concessions de quatre-vingt-dix-neuf ans, fortifiées, selon les circonstances, ici par la garantie d’un minimum d’intérêt, là par une subvention, ailleurs par un prêt, auraient, nous le croyons, assuré l’exécution des grandes lignes tout aussi bien que les combinaisons qui dérivent de la loi du 11 juin, et avec plus d’économie pour le pays. Puisque le ministère en a jugé autrement, examinons du moins de quelle manière il entend l’application de cette loi.

Les deux projets présentés aux chambres, l’un pour l’exécution du chemin d’Avignon à Marseille, et l’autre pour l’exécution des chemins du Nord, ne sont pas l’expression d’un seul et unique système. Dans le premier, c’est la compagnie qui entreprend à forfait, et pour une somme déterminée, les travaux que la loi met à la charge du trésor public ; dans le second, l’administration s’engage à construire ces ouvrages et s’expose aux éventualités qui naissent de la construction, en laissant à la compagnie le soin d’établir la voie de fer, d’acquérir le matériel et de préparer les moyens d’exploitation. Ainsi, le principe qui domine le projet d’Avignon à Marseille c’est l’unité d’action, la compagnie exécutant le chemin, et l’état jouant à son égard le rôle d’un simple commanditaire ou bailleur de fonds ; le principe dont s’inspire le projet qui concerne les chemins du