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LES CHEMINS DE FER.

Nord, c’est au contraire la division du travail entre l’état et la compagnie. Nous ne dissimulerons pas notre répugnance pour cette dernière combinaison. Voici dans quels termes M. Daru en expose les inconvéniens :

« En apparence rien de plus simple que cette organisation du travail, en réalité, rien de plus compliqué.

« Un chemin de fer est une machine qui se compose de deux parties, la locomotive et le chemin sur lequel elle roule ; ces deux parties sont solidaires l’une de l’autre : ce sont deux fractions d’un même tout. Le poids, les dimensions de la locomotive étant donnés, la solidité, les dimensions du chemin en résultent. La forme, l’écartement des rails, la largeur de la voie, la résistance des ouvrages d’art, toutes ces conditions premières et fondamentales de l’établissement d’un appareil à vapeur destiné à la locomotion, sont liées indissolublement entre elles, et dépendent de la nature même des matières employées.

« De là une première et grave conséquence. Mettre ces deux portions du même mécanisme dans les mains de deux constructeurs différens, c’est obliger ces deux constructeurs, pendant tout le temps du travail, à marcher côte à côte en parfaite harmonie, dans des rapports perpétuels et nécessaires. De même que, si l’on donnait à deux ouvriers à faire une même voiture, à l’un la caisse, à l’autre le train, ces deux ouvriers seraient obligés sans cesse de se consulter, de s’entendre, pour que chaque partie de leur ouvrage commun fût faite dans un même esprit, dans une même pensée. Nous n’hésitons pas à déclarer que ce bon accord entre l’industrie et l’administration, ainsi superposées l’une à l’autre, est absolument impossible.

« Le génie administratif et le génie industriel sont trop divers par leur nature, leurs tendances et leurs dispositions, pour que l’on puisse arriver à cette harmonie complète qui est une condition indispensable de succès dans l’accomplissement de pareils travaux. La lenteur hiérarchique, les formes solennelles, la raideur de l’un, contrastent trop avec la vivacité, la hardiesse, la mobilité de l’autre… Il y aura un contact trop immédiat, des relations trop fréquentes, trop intimes, pour que des conflits ne naissent pas inévitablement chaque jour de cette coexistence forcée. Tôt ou tard les traités passés entre de pareils constructeurs seront résiliés par la force même des choses.

« M. le ministre des travaux publics a reconnu, le Moniteur en