cice sincère de ses devoirs, affaiblissent une cause au lieu de l’étayer. Ce calme et cette modération sont devenus pour lui un honneur, lorsqu’il a été chargé, en sa qualité d’attorney-general, de poursuivre Frost et les chartistes. Aucune passion, rien de violent, de haineux, de vindicatif ; une sévérité triste et cependant indulgente, mais surtout sobre d’imputations sans preuve et d’hypothèses accusatrices, fait du discours qu’il a prononcé à cette occasion un modèle, et de sa conduite un noble exemple. Au nombre des plaidoyers publiés par lui se trouve sa défense de mistriss Norton, discours d’une simplicité, d’une fermeté et d’une sagacité admirables. On sait aujourd’hui quelle trame politique se cachait sous cette attaque contre une femme distinguée ; l’intérêt d’un parti conspirait avec l’envie pour perdre mistriss Norton ; l’envie toute seule aurait bien pu en venir à ses fins. Il lui est si facile de transformer nos meilleurs penchans en vices et nos malheurs en crime ! Tous nos goûts, même les plus innocens ou les plus honnêtes, prêtent à la médisance ; l’homme que l’on veut perdre est-il simple dans ses penchans, on le fait avare. Est-il ami de l’élégance, on le fait prodigue. Est-il pauvre, on le fait dissipateur. Si sa position est forte, on parvient à l’affaiblir ; si elle est faible, on la ruine. Le procédé est d’une simplicité excessive et ne manque jamais son coup. Quant à mistriss Norton, elle offrait beaucoup de prise à cet ennemi sans pitié, par un mariage peu assorti, que l’inégalité d’âge et d’humeur signalait à la curiosité, et par ses talens variés. Elle était belle, poète, aimable, alliée à ce que la société anglaise a de plus délicat et de plus raffiné. Elle avait de l’instruction sans pédantisme, de la grace sans coquetterie, et ce genre d’esprit brillant et ferme qui peut servir d’arme comme d’ornement. On lui eût pardonné les succès de l’esprit, si elle se fût vouée à quelque coterie mesquine, ou l’éclat de la femme du monde, si elle se fût contentée de briller au parc et de donner la mode, ou l’agrément de ses salons, si la courtoisie de son accueil eût été sa seule recommandation. Mais rien n’éveille et n’aiguise l’envie comme la variété d’aptitudes ou de succès ; le monstre prend alors des proportions gigantesques. Cette fois il s’appuya d’un côté sur l’esprit de parti et de l’autre sur l’hypocrisie puritaine. Il fut sur le point de ruiner complètement cette personne si distinguée, et c’est merveille qu’il n’ait pas réussi.
Le recueil des discours de lord Campbell, qui eut l’honneur de la défendre victorieusement contre de si terribles adversaires, contient des sujets de roman plus intéressans et plus dramatiques que les romans jadis célèbres de miss Burney, dont on vient de publier les