Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/419

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
413
LITTÉRATURE ANGLAISE.

de Tennyson. On compile des histoires à l’imitation de Southey et de Lingard. Cependant un courant de nouveaux besoins et de tendances nouvelles emporte lentement les esprits vers un monde inconnu ; ce courant, on ne l’aperçoit guère dans les livres à la mode ; le véritable mouvement intellectuel ne se manifeste jamais à la surface. Il faut creuser plus avant et consulter certaines publications à demi obscures, certains pamphlets de controverse et de polémique sacrée pour reconnaître de mystérieuses et bizarres agitations qui s’annoncent dans les intelligences anglaises. L’Angleterre, mère du rationalisme pur, s’ennuie un peu de cette doctrine et de sa stérilité. Le pays de Locke produit à son tour quelques germes catholiques, et c’est à Oxford, au sein de la vieille université, qu’on les voit poindre. Comment se réglera cette tendance nouvelle ? Comment se débrouillera et s’éclaircira ce nuage mystique ? Il y a un docteur Arnold, mort récemment, esprit indépendant et distingué qui, dans ses essais et dans sa chaire, n’a pas cessé de prêcher et d’écrire contre l’esprit de parti qui est la vie politique de l’Angleterre. Il y a un docteur Pusey, dont les tracts ou traités font un assez grand nombre de prosélytes, et qui demande tout simplement que l’église anglicane se substitue à l’église romaine catholique. Il y a un docteur Sewell, qui va plus loin et qui se déclare symboliste, mystique, ennemi du jugement individuel, partisan de l’inquisition, défenseur de la foi aveugle ; il proteste contre le protestantisme et déclare qu’il ne reconnaît de christianisme légitime qu’avant la réforme ! Voilà ce que l’on imprime en Angleterre, et qui pis est, à Oxford. La singulière impulsion du catholicisme protestant s’y propage avec une vivacité qui épouvante les vieux adversaires du papisme, et qui menace de détruire l’orthodoxie. MM. d’Oxford réclament pour leur église tous les droits de l’église catholique, infaillibilité, autorité, influence directe sur les intérêts temporels. Les puseyites n’attaquent plus le catholicisme dans ses théories, qu’ils acceptent au contraire ; ils veulent tout bonnement le remplacer. Qu’auraient dit Locke et de Foe, s’ils avaient prévu ce résultat ? Bossuet rirait bien. Le protestantisme, fruit du jugement qui proteste, de l’arbitrage personnel exercé par l’homme, renonce à sa protestation, se soumet à l’autorité et détruit la faculté du libre jugement ! Nous avons nommé M. Sewell, professeur de philosophie de cette université d’Oxford, et l’un des principaux athlètes du combat, qui a scandalisé récemment les consciences par la publication de sa Morale chrétienne[1] ; il essaie

  1. Christian Morals, by the rev. W. Sewell, M. A., etc.