« Heureux de sa conquête, l’infidèle enfin veut en jouir ; mais en cherchant les douces mamelles, sa main rencontre la dure cuirasse du haïdouk. Glacé d’effroi, il veut fuir ; c’est en vain. Tomitj Miiat l’arrête d’un bras solide : — Infame pacha, qui croyais facile de t’approprier les femmes d’autrui, il faut que tu perdes ici ton pachalik. — Et d’un coup de sabre il lui abat la tête. Presque en même temps l’écho répète trente coups de pistolet, et le lendemain à l’aurore les trente haïdouks, portant le costume des dames de Zmiale, et chacun avec une tête de Turc à la main, se réunirent autour de la koula d’Hélène. L’épouse du knèze les combla de présens, donna à son compère Miiat une pomme d’or, et tous s’en retournèrent aux neigeuses montagnes de Roustene, où ils continuèrent à vivre fraîchement et à redresser les torts.
« Sous les sapins verts des montagnes, trente haïdouks, conduits par deux harambachis, Tomitj Miiat et Vouk Jeravitsa, se partagent leur butin. Ils décernent à Miiat le staréchinat avec le droit de juger, et lui jettent la plume dorée, signe du pouvoir suprême. Mais Jeravitsa proteste : — C’est à moi qu’appartient la plume du staréchinat ! — La plume à toi, brigand ! s’écrie Miiat, non ! Je garderai, moi, le commandement en chef. — Jeravitsa courroucé appela Miiat en duel, et les deux chefs se battirent. Miiat, dégaînant le premier, coupa la ceinture de soie du iounak, mais n’atteignit pas la chair. Laissant tomber sa ceinture et ses pistolets, Jeravitsa frappe à son tour son adversaire, et lui perce le flanc, d’où s’échappent ses noires entrailles : Miiat épuisé tombe sur l’herbe.
« Les haïdouks se lèvent en hurlant ; mais Jeravitsa se lamente encore plus haut : — Malheur à moi qui ai blessé mon frère adoptif ! Ne meurs pas, cher pobratim, je cours te chercher un médecin. — Miiat ne lui répond rien, et se tourne vers ses deux neveux, Malenitsa et Marianko, qui le prennent et le transportent au village de Bobovo, chez le knèze Élie. L’épouse de ce knèze