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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/441

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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

mauvaise influence sur le climat, qui est en Bosnie et en Serbie notablement plus froid qu’ailleurs, à la même latitude ; le printemps y est extrêmement pluvieux, et l’année, dans les parties basses du pays, ne compte pas plus de trois ou quatre beaux mois, de juin à novembre. L’Hertsegovine, aride et dépourvue de grands bois, jouit seule d’un climat assez chaud pour que les vignobles et même l’olivier y prospèrent, mais c’est au préjudice des céréales, que l’Hertsegovinien est forcé de demander au Bosniaque, comme le Bosniaque demande à son voisin l’olive, le vin, l’orange. Ainsi les deux provinces se complètent l’une par l’autre.

Parmi les productions de la Bosnie, on estime surtout le millet. Les forteresses en ont conservé, dit-on, des sacs dans leurs magasins durant quarante-deux ans, sans qu’il perdît rien de ses qualités nutritives. Le maïs monte ici à une telle hauteur, qu’un cavalier peut se perdre parmi ses tiges au temps de la moisson. Toutes les autres céréales croîtraient dans ce pays ; le riz, le tabac, les diverses espèces de melons, y abondent. Quoique la Bosnie soit naturellement et doive rester un pays de forêts, le sol, presque partout végétal à une grande profondeur, pourrait nourrir une population triple de celle qui l’occupe aujourd’hui ; seulement, il faudrait que les habitans renonçassent à la vie pastorale, pour laquelle ils ont une sorte de passion.

Le Bosniaque avait autrefois hérissé son pays de forteresses, qui subsistent encore pour la plupart, mais ces étroits carrés à douves et à tourelles, pareils aux donjons de notre Europe féodale, ne méritent plus aujourd’hui le nom de citadelles. Zvornik, Prichtina, Novibazar, Travnik, Mostar et autres places célèbres dans l’histoire des croisades, restées ce qu’elles étaient au moyen-âge, ne sont plus fortes que par leur position. Beaucoup de chefs-lieux, que nos géographes décorent toujours du nom de villes, ne sont plus que des groupes de huttes en argile, ou des bazars (marchés en permanence) à rangées de barraques dressées des deux côtés d’une chaussée, qui se perd sous l’herbe à quelques toises de la porte d’enceinte. Les grandes villes ont en guise de rues un méandre tortueux de sentiers dont l’habitant du lieu connaît seul les issues, barrées par des centaines de petites portes qui s’ouvrent au loquet, et donnent d’une cour ou d’un jardin dans un autre. Souvent, outre ce labyrinthe de ruelles, il y a encore des conduits souterrains où les raïas poursuivis se jettent pour gagner la campagne quand ils n’ont plus d’autre ressource que de se faire haïdouks. Le grand nombre de ces maraudeurs a rendu de tout temps le plat pays si peu sûr pour les Turcs, qu’on ne rencontre