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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/443

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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

voyer le gouverneur impérial quand il déplaît au peuple. La constitution du pays ne permet que trois jours de résidence par an dans cette ville au visir de Bosnie. Quoiqu’il s’intitule visir de la Hongrie, begler beg (prince des princes) et gardien suprême de tous les pays serbes, ce vicaire de Mahomet in partibus infidelium est réduit à se tenir clos dans le grad de Travnik, qu’il a tâché depuis quelque temps de fortifier à l’européenne. Baignée par la Laskva et entourée d’une immense nécropole musulmane, la citadelle de Travnik est un quadrilatère perché sur un roc entre deux ravins ; tout est en ruine dans l’intérieur, et le sérail même du visir a l’air d’une grande métairie. Environnée de gorges, au fond desquelles la Bosna roule ses eaux vertes, cette place est à vingt lieues de Saraïevo : sur la route qui unit ces deux villes se trouve le village de Vitez, dont le nom rappellera long-temps aux Bosniaques la terrible défaite qu’ils y essuyèrent en 1840.

On se rend de Travnik, par la petite ville catholique de Chepsié, à la citadelle de Zvornik, dont l’enceinte, naguère formidable, n’offre plus que des tours dévastées, qui menacent de s’écrouler sur le varoch (ville marchande). Bâtie, disent les spahis, par Zvonimir, père des Serbes, mille ans avant l’hégire, le grad aérien de Zvornik est le seul rempart des Bosniaques contre les Serbes de la principauté, qui l’ont pris et pillé maintes fois. On se rend de Saraïevo à Zvornik en trente-deux heures, par la vallée de la Spretsa, où paissent de magnifiques troupeaux, et qui aboutit au bassin de la Drina. Ce pachalik est la partie la moins peuplée et la plus sauvage de toute la Bosnie. La sinueuse Drina, qui se rend à la Save, dessine à travers les forêts son cours en sens inverse de la Bosna. Cette direction de la Drina est avantageuse aux Serbes de la principauté, qui peuvent s’introduire jusqu’au cœur de la Bosnie, depuis que cette rivière est devenue la limite des deux pays. Le dernier retranchement des Turcs dans ces déserts est Biélina, qui vit éclater la révolution de 1829.

Pour se rendre de Saraïevo à Novibazar, il faut traverser les montagnes les plus abruptes ; partout des caps de rochers s’inclinent sur la route, partout aussi on rencontre les sites les plus délicieux, rafraîchis par mille cascades, dont le doux murmure est trop souvent interrompu par les coups de carabine des haïdouks. Si ces brigands pouvaient s’organiser, ils trouveraient un sûr asile dans le district, long de dix lieues, qui s’étend de Priepol à Siénitsa, que la nature a pris soin de fortifier elle-même contre l’invasion par des obstacles