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croyons, pour notre compte, qu’il est impossible de le justifier. Une guerre civile et une guerre étrangère à soutenir en même temps pourraient être considérées, nous le savons, comme des circonstances atténuantes ; mais ce système, que nous réprouvons et qui désole toutes les provinces de la République Argentine, est moins la conséquence que le principe de la double guerre sous l’excitation de laquelle Rosas a pu le pousser à ses dernières limites. Nous nous sentons d’autant plus à l’aise pour en parler ainsi, que nous ne sommes pas enthousiaste du parti opposé. L’homme que les circonstances avaient porté à sa tête, le général Lavalle, était non-seulement incapable comme chef de parti et médiocre comme général ; mais, en faisant exécuter sans jugement et par sa seule volonté le général Dorrego, son prisonnier, chef légal du gouvernement de Buenos-Ayres, renversé par une insurrection de soldats, il avait donné la mesure de son respect pour les lois de l’humanité. Nous n’avons donc pas pour le parti unitaire cette prédilection aveugle qui nous rendrait nécessairement injuste envers le parti fédéral, et nous aurions de bien tristes révélations à faire, si nous le voulions, sur l’un comme sur l’autre. Aussi n’est-ce pas la querelle d’un parti que nous épousons, mais la cause de l’humanité, de la civilisation et du bon sens que nous cherchons à défendre.

La population de la ville de Buenos-Ayres et celle de la confédération en général ont diminué dans le cours de ces dernières années. Les meurtres, les proscriptions, les émigrations, la guerre civile, ont décimé toutes les classes, et les étrangers n’ont pas comblé le vide. Évaluer le chiffre du décroissement de la population serait impossible ; cependant il ne laisse pas d’être considérable, et le serait bien davantage s’il était plus facile de sortir du pays. Dans la campagne, le manque de bras arrête sans cesse tous les travaux ; il se fait aussi sentir dans la ville par la cherté de la main-d’œuvre. On est aussi frappé, en parcourant Buenos-Ayres, de l’énorme disproportion des deux sexes ; le nombre des femmes l’emporte de beaucoup sur celui des hommes, parce que les hommes sont à l’armée, ont été tués ou se sont enfuis.

M. Woodbine Parish[1], dans son ouvrage sur les provinces du Rio

  1. M. Woodbine Parish a occupé pendant plusieurs années à Buenos-Ayres le poste de chargé d’affaires et consul-général d’Angleterre. Il a publié à Londres en 1839 un ouvrage intitulé : Buenos-Ayres and the provinces of the Rio de la Plata, their present state, trade, and debt, etc., 1 vol. in-8o, qui contient des détails intéressans sur la géographie, la population, le commerce, etc., de la République Argentine.