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REVUE. — CHRONIQUE.

préoccupait en quoi que ce soit d’affaiblir ou de renforcer un cabinet, lorsqu’il s’agit de toute autre chose. Poser une question ministérielle sur l’exclusion ou l’admission d’un député serait un acte d’immoralité politique que la France n’aura, il faut le croire, à reprocher ni à l’opposition, ni à la majorité.

Si une telle conséquence sortait de prime-abord de l’enquête électorale, elle suffirait pour révéler à tout le monde le caractère dangereux d’une mesure adoptée si légèrement par les uns, si faiblement combattue par les autres. L’enquête électorale est un ressort tout nouveau dans notre législation, ressort destiné à déplacer tous les pouvoirs, peut-être à confondre toutes les juridictions ; c’est un remède qui aggravera, on peut l’appréhender du moins, les maux qu’il est appelé à guérir. Un tel système ne se défend pas en France, comme en Angleterre, par l’absence de toute administration organisée, et n’étant pas une nécessité absolue, n’est-on pas fondé à craindre qu’il ne devienne une redoutable superfétation ?

Telle est l’opinion d’un certain nombre de membres fort éclairés du parti conservateur, et pour la nuance de ce parti qui n’accorde au ministère actuel qu’un concours précaire et réservé, le timide abandon du principe d’enquête forme un grief qui se produira, dit-on, à la tribune. Entre les conservateurs dissidens qu’on désigne comme particulièrement préoccupés de cette grande question, on cite un ancien ministre du 15 avril qui, par ses paroles à la session dernière, sa résignation d’une ambassade, et son attitude jusqu’au vote des fonds secrets, a constaté publiquement devant la chambre et le pays son désaccord avec le cabinet. L’intervention de cet honorable membre ou de ses amis dans le débat de l’enquête serait donc aussi légitime qu’honorable ; elle établirait aux yeux de tous qu’il y a de véritables questions politiques là où l’on affecte souvent de ne voir que des intérêts personnels non satisfaits. Sous ce rapport, nous croyons pouvoir démentir les bruits récemment répandus sur certaines modifications ministérielles. Lorsque des dissidences ont éclaté entre des hommes politiques et un cabinet, il faut, pour faire accepter leur rapprochement, une situation nouvelle au fond de laquelle on puisse montrer au public autre chose que la conquête d’un portefeuille. D’un autre côté, les membres principaux du cabinet ne se regardent pas non plus comme assez solidement établis aux affaires pour consulter leurs amitiés en se donnant de nouveaux collègues au risque de s’isoler davantage et de se transformer en coterie ; nous ne croyons donc, quant à présent, ni à l’accession de M. de Salvandy, ni à celle de M. Dumon au cabinet du 29 octobre, quelque force qu’ils fussent en mesure de lui apporter l’un et l’autre. M. le ministre des travaux publics supportera ses échecs avec résignation ; M. le ministre de la marine continuera de se bien porter par dévouement, et tout ira comme par le passé.

Les soubresauts des affaires d’Espagne appellent à chaque instant l’attention publique sur cette question, dont on fait tant d’efforts pour nous dé-