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turelle ? n’est-il pas plus simple de demander l’annulation de la convention, et d’attendre pour adopter la proposition de M. Linn, que le délai d’un an stipulé par la convention soit expiré ? Cette marche est légale, elle est ouverte à notre gouvernement, et il peut la suivre. Cependant il en est une préférable. Souffrez encore un peu de temps le statu quo, et ouvrez des négociations pour terminer pacifiquement ce différend, au lieu de courir la chance d’une guerre entre deux nations dont le plus grand intérêt est de demeurer en bonne intelligence.

Tel a été le langage des whigs dans le sénat et dans la chambre des représentans. Peut-être, en scrutant soigneusement les motifs de ces prudens conseils, trouverait-on des sentimens peu désintéressés. Représentant les états du littoral et de la Nouvelle-Angleterre, les whigs n’ignorent pas que l’adoption des mesures proposées par les démocrates de l’ouest entraînerait une rupture, immédiate peut-être, avec la Grande-Bretagne, dont les résultats porteraient d’abord sur ces états, engagés presque exclusivement dans le commerce et l’industrie. Mais, quel qu’ait été le premier motif de leur langage, leur modération a été partagée par le congrès. Dans le sénat, la proposition de M. Linn n’avait été perdue qu’à deux voix de majorité : la chambre des représentans l’a repoussée à la presque unanimité, sur les conclusions du rapport de M. Adams. Aujourd’hui le congrès est dissous, les élections générales se préparent, les nouvelles chambres exprimeront le vœu du pays, et il est probable que dans la prochaine session, qui ne s’ouvrira pas avant le mois de décembre, nous verrons en présence le sentiment national et le résultat des négociations déjà ouvertes entre les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Quoi qu’il arrive, les États-Unis ne laisseront pas les Anglais s’établir impunément sur le territoire de l’Oregon. Le sentiment naturel de conservation, qui est aussi inhérent aux états qu’aux hommes, leur commande d’empêcher l’Angleterre de prendre possession de ce territoire. S’il est impossible de prévoir les conjonctures qu’amèneront les évènemens, il n’est pas douteux que le mouvement qui porte les Américains à occuper tout le continent de l’Amérique septentrionale secondera puissamment les mesures que sera forcé d’adopter le gouvernement fédéral. Est-il possible d’imaginer que ce flot de population qui s’avance vers l’ouest, sur une ligne de plus de trois cents lieues, depuis les grands lacs jusqu’au golfe du Mexique, avec une progression fatale, dans la proportion d’un demi-degré de longi-