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le wesleyen bravait toutes les animosités, et ne prenait conseil que de lui-même. Il voulait régner seul aux Sandwich, et ne supportait pas l’idée qu’une autre communion que la sienne pût y prendre racine. Son zèle ne reculait même pas devant la persécution et la violence ; il condamnait au fouet et aux travaux publics les indigènes qui persévéraient dans la foi catholique. Ainsi, la partie était engagée entre le fougueux méthodiste uni aux grands chefs d’une part, et de l’autre le capitaine du Petit-Thouars, arrivé si à propos, et s’appuyant sur tous les représentans des puissances civilisées. Par une heureuse coïncidence, une corvette anglaise, le Sulphur, sous les ordres du capitaine Belcher, venait de mouiller dans le port.

À peine instruit de ces faits, M. du Petit-Thouars se rendit à terre, où il s’aboucha avec les divers résidens. Le roi Kaui-Keaouli était alors absent ; il habitait Mawi, l’île voisine. Le commandant français se présenta chez la princesse Kinau, qui gouvernait par interim, et, après lui avoir vivement reproché la conduite qu’on avait tenue à l’égard des prêtres catholiques, il demanda d’une manière formelle que M. Bachelot fût autorisé à séjourner à Honoloulou jusqu’à ce qu’il eût trouvé une occasion convenable pour se rembarquer. Le missionnaire Bingham, présent à cette entrevue, dictait à la reine des réponses à l’aide de quelques gestes ; sous cette influence, elle refusa, et, avant d’employer des moyens plus efficaces, on résolut d’écrire au roi pour le rappeler à Honoloulou. Ce prince vint en effet dix jours après, accompagné de tous les gouverneurs des îles voisines, ramenant sa petite escadre, composée de goëlettes armées, et déployant tout l’appareil de sa grandeur. Il fut convenu que l’audience solennelle aurait lieu le lendemain.

Les choses se passèrent avec une certaine étiquette. Les personnages de la cour étaient tous en grand costume, ainsi que le roi, c’est-à-dire revêtus d’uniformes anglais. Dans l’enceinte extérieure et dans la galerie du palais se rangeaient les gardes d’honneur du souverain, qui avaient poussé la tenue jusqu’à se vêtir de pantalons. M. du Petit-Thouars parut, accompagné de deux officiers de la frégate ; le capitaine Belcher et quelques officiers de son état-major, les consuls d’Angleterre et des États-Unis, complétaient le nombre des personnes admises à l’audience. L’un des officiers du roi les introduisit dans la salle de réception, tapissée de nattes qui occupaient presque toute l’aire du palais. Ce palais était tout simplement une maison couverte en paille, et l’ameublement répondait à l’aspect du dehors. D’un côté, un grand divan formé de nattes et élevé