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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

musées d’échantillons curieux et d’espèces rares, qui forment la part de la géologie et de l’histoire naturelle. Ainsi, les sciences n’ont pas été négligées dans le cours d’une navigation qui avait surtout pour objet la protection et la surveillance de nos pêches lointaines.

À ce dernier point de vue, la relation de M. du Petit-Thouars devient un véritable traité. Tout ce qui touche aux armemens des baleiniers y est examiné avec étendue et dans les moindres détails ; les hommes spéciaux consulteront avec fruit cette partie de l’ouvrage. Quant au récit en lui-même, il a les qualités et les défauts qu’on doit attendre d’un marin, la franchise, la simplicité, la rondeur, unies à la prolixité et à l’incorrection mais, dans l’ensemble, c’est une lecture qui plaît et qui attache. Le nom de l’auteur est d’ailleurs un de ceux qui réveillent le plus de souvenirs glorieux et qui se lient avec le plus d’éclat à notre histoire navale. Involontairement on se rappelle, en le voyant, l’un des derniers faits d’armes de nos escadres ; le combat que soutint en 1814, et quand la paix était signée, un oncle du capitaine de la Vénus, le brave George du Petit-Thouars, qui, pendant cinq quarts d’heure, résista, monté sur la Sultane, au feu de deux frégates anglaises, et, secouru ensuite par sa conserve, les contraignit à la retraite ; on se souvient aussi de la triste journée d’Aboukir et de ce vaillant Aristide du Petit-Thouars, autre oncle du contre-amiral, qui, voyant la bataille perdue, fit clouer son pavillon au mât du vaisseau le Tonnant, et, blessé à mort, criait encore à son équipage : « Ne vous rendez pas ! Coulez bas plutôt ! ». Ce sont là pour une famille des titres qui obligent ; si l’occasion s’en présentait, M. Abel du Petit-Thouars ne l’oublierait pas. Dans sa dernière campagne des mers du Sud, il s’est montré résolu et entreprenant au point d’engager le ministère plus peut-être qu’il ne l’aurait voulu. C’est une hardiesse bien rare de notre temps, et à ce titre elle mérite d’être signalée.


Louis Reybaud.