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LE ROMAN
DANS LE MONDE.

Dans cette déchéance momentanée que l’envahissement de l’esprit industriel a fait subir aux lettres depuis quelques années, c’est, personne ne le niera, le roman qui a surtout souffert. Rien n’était plus naturel : si aucun genre, pour être amené à sa vraie perfection, ne demande peut-être un don plus réel, un talent plus exercé, cette forme, en revanche, semble plus qu’une autre encourager l’inexpérience et appeler le métier. C’est là surtout que l’abus du talent est possible ; c’est là que l’improvisation hâtée vient le plus facilement obéir aux avides exigences. Quoi de plus commode ? On n’a qu’à laisser courir sa plume, on n’a qu’à suivre au hasard les fantaisies d’une imagination rompue à la production comme à une besogne quotidienne. Le temps sans doute est la première loi de l’art, et plus d’un maître a cru naïvement que la composition, que le style, avaient leurs veilles nécessaires. Mais ce sont là des susceptibilités et des scrupules dont il est facile de se guérir. Si les vanités sont exigeantes, elles ont aussi leurs illusions : il suffit de prendre les profits du labeur pour les échéances de la gloire, et les annonces des journaux complices pour les échos de la popularité. Une question