Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 2.djvu/601

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
595
LE ROMAN DANS LE MONDE.

et sa folie, c’est de croire en tout au bonheur. Rien n’est plus triste, rien n’est mieux saisi que ce contraste. Combien la vie semble plus amère encore quand Hélène n’y voit que la joie et le sourire ! combien le soleil d’hiver se montre avec des teintes plus sombres quand Hélène parle des rayons dorés et du jeu de la lumière ! Toutefois la figure vraiment frappante et qui reste gravée dans le souvenir, c’est la marquise d’Erigny. Il s’échappe du cœur de cette mère qui, perdant son fils, a la force de cacher un tel malheur à sa fille, et de ne rien troubler à tant de bonheur ou plutôt à tant de folie ; il s’échappe, dis-je, de ce cœur ulcéré des accens d’une naturelle et forte éloquence. Le souvenir de Niobé n’est jamais sans grandeur.

Le dernier récit, pour se passer dans une sphère moins dramatique, dans la région simple des sacrifices ignorés et des dévouemens obscurs, ne nous paraît pas touché avec moins de bonheur ; mais il vaut mieux que le lecteur lui-même devienne juge : si, en insérant au long ce morceau, nous pouvons craindre d’effaroucher une noble modestie nous sommes sûr au moins que le public ne nous trouvera pas indiscret.


RÉSIGNATION


Je vais raconter simplement une chose que j’ai vue. — C’est un des souvenirs mélancoliques de ma vie. — C’est une de ces pensées vers lesquelles l’ame se reporte avec une douce tristesse quand vient l’heure du découragement. Il s’en exhale je ne sais quel renoncement aux trop vives espérances de ce monde, je ne sais quelle abnégation de soi-même qui apaise ce qui murmure en nous, et nous appelle à une silencieuse résignation. Si jamais ces pages sont lues, je ne voudrais pas qu’elles fussent