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CALCUTTA.

education[1], et le nombre assez considérable de journaux rédigés dans les langues du pays (il était en 1830 de quatorze à Calcutta) est une preuve que l’instruction se généralise parmi le peuple hindou. Ce fut lord Minto qui, durant son gouvernement, de 1810 à 1815, prit à cœur de répandre parmi les indigènes les principes d’un enseignement trop négligé.

Les deux établissemens scientifiques les plus importans de Calcutta sont la société asiatique (asiatic society) fondée par sir William Jones et instituée en 1785, et le jardin de botanique. On sait quels services la société a rendus aux études orientales ; par elle furent recueillis les manuscrits d’ouvrages dont le nom était à peine connu, les monumens d’une langue morte, source de la plupart des idiomes modernes ; par elle fut formée cette magnifique bibliothèque hindoue et musulmane que des brahmanes et des moullahs attachés à l’établissement soignent et défendent contre les ravages du temps, et ceux, plus rapides encore, des fourmis blanches. Dans ces dernières années, M. Prinsep (qui abandonna l’Inde jeune encore, accablé de fatigues et de travaux, débarqua en Angleterre privé de raison et mourut quelques mois après à Londres), dirigeait la publication du Mahabharata, la plus capitale épopée qui soit sortie d’un cerveau humain. C’est à cette société que les résidens près des diverses cours de l’Inde adressent le résultat de leurs recherches et le trésor des livres recueillis dans des contrées fermées aux voyageurs, et, grace à sa libéralité, les corps savans de l’Europe ont part aux conquêtes qui se font aux extrémités de l’Asie. La science ne servît-elle qu’à unir par l’intelligence les peuples dont les intérêts sont incompatibles, elle serait encore bonne à quelque chose. À cette bibliothèque est jointe comme appendice une remarquable collection d’armes et ustensiles birmans, javanais et malais, du choix le plus rare, et digne d’être étudiée ; les armes offensives et défensives d’un peuple trahissent son caractère et ses penchans ; il y a tel coutelas court et large emmanché dans le poignet qui donne l’idée d’un incontestable courage, tandis que certain karga à la lame flamboyante ne peut être manié que par un guerrier sauvage et san-

  1. La présidence de Madras a été long-temps arriérée sous ce rapport ; on n’y trouva pas un seul musulman capable d’enseigner le droit arabe. On fit venir le professeur du Bengale, mais les élèves manquaient : il fallut d’abord les payer. Une fois l’élan donné, les écoles de Madras devinrent bientôt florissantes, et, proportion gardée, elles rivalisent avec celles des autres provinces.