guinaire. Au rez-de-chaussée, entre une galerie d’anatomie et un cabinet d’histoire naturelle, parmi des échantillons minéralogiques et géologiques (dont un beau morceau de grès pliant, flexible sand stone, est la plus grande rareté), sont rangés de remarquables fragmens de sculpture hindoue, des statues bactriennes, des bas-reliefs bouddhiques, de précieux débris de l’art asiatique à ses diverses périodes. Faut-il que le manque d’espace oblige à laisser en plein air, exposés au soleil et aux pluies, tant d’autres restes d’un travail si naïf et si perfectionné, qu’on y retrouverait volontiers les quatre phases de la sculpture chrétienne, depuis la raideur byzantine et la ferveur romane, jusqu’à l’épanouissement de l’art gothique, et au raffinement presque païen de l’époque suivante !
Quant au jardin de botanique c’est bien la plus délicieuse retraite qu’on puisse choisir, car il est plus doux encore de vivre parmi les arbres et les fleurs que parmi les souvenirs souvent si tristes du passé. Pour bien goûter le charme d’une pareille promenade, il faut sauter d’un quai plein de poussière à bord d’un de ces jolis bateaux à deux voiles latines, où l’on trouve une cabine spacieuse et des divans. Après s’être dégagé, non sans péril quand le courant est fort, du milieu des navires, des câbles, des bouées, on côtoie l’esplanade d’assez loin pour la bien voir ; on dépasse Koulee-Bazar, où sont mouillés le bateau de plaisance du gouverneur, belle barge dorée, petit palais flottant remorqué par un steamer et les comfortables chaloupes dans lesquelles les planteurs remontent le Gange. À mesure qu’on s’éloigne de la ville, il se fait un silence qui paraît toujours rassurant et solennel au sortir d’un grand tumulte ; une fois la pointe doublée, les maisons disparaissent, et l’on retrouve les arbres baignés par les eaux à marée haute. Arrivé devant une grille de fer, on débarque ; deux péons à turbans rouges se lèvent en saluant l’étranger. Ce jardin a l’air aussi d’une volière, tant les oiseaux y gazouillent ; bientôt on entre sous la plus régulière voûte gothique que des arbres dans leur croisement ogival puissent former, sous une merveilleuse allée de sagoutiers, dont le fruit, disposé comme celui du dattier africain, en grappes plus abondantes encore, retombe si gracieusement sous le dôme de feuilles ; là aussi s’élance l’arékier, le plus svelte, le plus hardi de tous les palmiers. À l’extrémité de ce vaste enclos long de deux milles, et non loin de la charmante maison qu’habite le docteur Wallich, l’heureux directeur de ce jardin, un gardien spécial montre au visiteur un figuier multipliant dont les tiges recourbées vers la terre où elles ont pris racine embrassent une