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S’ils substituèrent les calmes procédés de la logique à la fougueuse inspiration luthérienne, les sociniens n’en déployèrent pas moins une éloquence chaleureuse dans leurs querelles et leurs discussions. On en peut juger par la réponse à Paléologue, et notamment par les petits traités où Faustus a, pour ainsi dire, écrit l’histoire des opinions fatalistes ; passant en revue les empires dont ces opinions ont marqué ou déterminé la décadence, il oppose les civilisations fondées en vertu des religions et des philosophies qui ont le principe du libre arbitre pour base et pour clé de voûte, aux régimes de confusion et de marasme que le fatalisme a de tout temps enfantés, les grandeurs de l’ancienne Rome aux misères du bas-empire, la société de Moïse à celle de Sadoch ou de Gamaliel, la doctrine du Koran aux superstitions de ses commentateurs. De nos jours, cette dernière thèse est assurément aussi neuve qu’à l’époque où Faustus essayait de réhabiliter les principes qui dominaient la civilisation des Arabes. Si la mémoire de Mahomet n’est point encore vengée des calomnies inintelligentes par lesquelles les haines de l’Occident sont parvenues à la discréditer au moyen-âge, c’est qu’il existe en histoire des préjugés si bien enracinés, que, pour les affaiblir et les extirper, ce n’est pas trop qu’on s’attache à les combattre durant trois ou quatre cents ans.

IV. — ÉDIT DE VARSOVIE. — PERSÉCUTION DE HOLLANDE. —
LE SOCINIANISME AUX XVIIe ET XVIIIe SIÈCLES.

Peu de temps après la mort de Faustus, le roi Sigismond-Auguste accorda aux sociniens la liberté de conscience qui, pendant trente ans, ne leur fut point sérieusement disputée. En 1638, quelques écoliers du collége de Racovie ayant brisé à coups de pierre une croix placée sur la voie publique, la diète de Varsovie prit à l’égard de la secte une grande mesure d’extermination. Le collége de Racovie fut démoli, l’église des unitaires fermée, leur imprimerie détruite ; on emprisonna, on bannit jusqu’aux plus obscurs de leurs ministres et de leurs régens. On se relâcha pourtant un peu, bientôt après, de cette rigueur sans exemple en Pologne, mais ce ne fut que pour sévir avec plus de sévérité, lorsque, en 1658, les Suédois de Gustave-Adolphe, qui avaient les sympathies des gentilshommes sociniens, se virent obligés d’évacuer le royaume. Cependant, comme avant d’abandonner leurs conquêtes les Suédois avaient expressément stipulé une amnistie générale pour ceux qui s’étaient rangés sous leurs drapeaux, la diète de Varsovie n’eut garde, on le pense bien, d’alléguer un motif politique dans l’édit de bannissement. Elle prit tout simplement prétexte des doctrines anti-trinitaires ; elle déclara que, pour attirer les bénédictions de Dieu sur la Pologne, on devait nécessairement en expulser ceux qui niaient la divinité de son fils. Nous serions injuste envers Louis XIV, si, pour la sévérité des dispositions et pour la cruauté que l’on mit à les exécuter, nous comparions cette résolution de la diète à la fameuse ré-