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ris ; la différence, c’est qu’il est plus grand. Londres est moins une ville qu’un pays, une province entière. Il n’y a pas d’octroi comme à Paris, et on ne sait pas où finit la ville. Tous les jours, de nouveaux villages des environs sont absorbés dans l’immense unité. Les rues des quartiers neufs sont plus larges qu’ici ; ce sont moins des rues que des routes bordées de maisons. Même dans les vieux quartiers, partout où le terrible incendie de 1666 a fait place nette, on a reconstruit sur une plus large échelle. Comme chaque famille un peu aisée occupe une maison distincte, la population est moins ramassée que chez nous ; les trottoirs sont plus ouverts, les places plus nombreuses. Tout le monde sait ce qu’est un square. C’est une place assez grande pour qu’un beau jardin planté d’arbres en occupe le milieu. La nouvelle ville a beaucoup de ces squares qui manquent à Paris. Les Anglais y retrouvent ce qu’ils cherchent par-dessus tout, un peu de retraite et de silence, l’aspect de la verdure, enfin un souvenir de la campagne au milieu de Londres. L’Anglais n’est pas naturellement citadin ; il aime le grand air et la vie des champs : les squares lui donnent à peu près ce qu’il désire, mais au prix de distances énormes, qui accroissent démesurément l’enceinte de la capitale.

Par la même raison, les parcs sont plus grands à Londres que les jardins publics à Paris. Green-Park est une véritable campagne, Hyde-Park encore mieux. Chez nous, la ville envahit tout. C’est un des traits les plus anciennement remarqués dans le génie des deux peuples que leur manière différente de concevoir les jardins. En Angleterre, un parc est une vaste prairie couverte de troupeaux, semée d’arbres jetés sans ordre, et traversée autant que possible par une rivière naturelle ou factice. Il y a loin de là à notre jardin des Tuileries, avec ses terrasses, ses statues, ses parterres, sa grande allée droite, ses doubles rangs d’orangers et ses arbres taillés. La beauté des parcs anglais, c’est l’espace, car c’est ce qui leur donne le plus de ressemblance avec un paysage naturel ; la beauté des nôtres, c’est l’ordre, l’harmonie, la noblesse du dessin, la distribution des ornemens ; l’espace n’y entre que comme élément de grandeur. Le jardin des Tuileries est naturellement moins vaste que le parc de Saint-James, parce qu’il est plus travaillé. Quant aux Champs-Elysées, ce n’est pas précisément un jardin, mais une avenue. Là encore se retrouve sous une autre forme la même différence entre les goûts des deux nations. Dans l’origine, Hyde-Park n’était pas plus grand que les Champs-Élysées, mais Hyde-Park a été respecté, et les Champs-Élysées ne le