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les discordes civiles déchirent depuis trente ans. Espartero a méconnu toute grandeur morale dans le malheur comme dans la prospérité. Arrivé sur la terre de l’exil, il ne lui restait qu’une noble résolution à prendre, qu’un bel acte à faire : c’était d’abdiquer toute prétention à la régence, et de conjurer ses amis, ses partisans, de ne point prolonger pour lui une lutte intestine, et de se soumettre au gouvernement de la reine. Il a préféré les pompes d’une réception officielle, les complimens de la commune de Londres, sans comprendre que, s’il appartenait aux Anglais d’offrir ce noble accueil à l’homme qui avait été leur ami, il lui appartenait à lui, Espagnol, d’éviter des honneurs et des manifestations qui pouvaient tourner la tête à ses partisans et prolonger des luttes sanglantes dans son pays. Qu’espérait-il ? Que le gouvernement anglais prendrait au sérieux la déconvenue du régent, et qu’il ferait blanc de son épée pour le replacer sur les marches du trône d’Isabelle ? Si cette chimère a pu un instant éblouir son esprit, elle a dû bien vite se dissiper. En vérité, le gouvernement anglais a autre chose à faire que d’épouser cette sotte querelle. Libre au common-council de donner des banquets et de porter des toasts. Toujours est-il que M. Aston (il paraît que le ministère anglais admet la doctrine de l’expiation) a été chargé de déclarer à Madrid que l’Angleterre reconnaissait le gouvernement établi, c’est-à-dire la déchéance d’Espartero. Nous avions eu raison de dire que dans quelques semaines l’ex-régent serait à Londres un homme oublié comme bien d’autres. C’est la force des choses.

Les troubles de l’Espagne, quelque déplorables qu’ils puissent être, ne paraissent pas pouvoir compromettre le triomphe du parti modéré. C’est une minorité peu importante qui résiste au vœu presque unanime du pays. En attendant, chaque jour qui s’écoule est un jour gagné pour la cause constitutionnelle, c’est un jour perdu pour les hommes de troubles et de désordre, car le moment décisif approche ; nous voulons dire la réunion des cortès. L’avenir de l’Espagne est au fond de l’urne électorale. S’il n’en sort de nouvelles tempêtes, les orages partiels qui troublent dans ce moment la paix publique s’apaiseront tout naturellement, par la seule force morale, sans que l’Espagne ait encore à gémir de luttes sanglantes et toujours pénibles, alors même que la victoire reste à la cause de la constitution et de l’ordre. Il ne manque au ministère Lopez ni les lumières, ni les bonnes pensées, ni le désir de se signaler par de grandes et utiles entreprises. L’administration, la législation, l’industrie, l’éducation nationale, fixent également l’attention des hommes d’état qui tiennent provisoirement les rênes du gouvernement espagnol. Les mesures préparatoires qu’ils se sont empressés d’ordonner ne méritent que des éloges et sont en quelque sorte un gage du bien que l’Espagne pourrait attendre d’eux le jour où ils auraient les moyens d’accomplir leurs projets.

Les rassemblemens des repealers ne discontinuent pas en Irlande ; O’Connell déploie toujours la même énergie. Il n’est avare ni de promesses et d’assurances aux Irlandais, ni de sarcasmes et de menaces indirectes aux