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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/108

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tions, les plus secrètes défaillances de l’ame ; tantôt c’était le rire amer de l’ironie mêlé à ce que l’enthousiasme a de plus sublime, en un mot ces cris soudains et profonds qui s’échappent des lèvres de Byron, quand, le visage sillonné d’éclairs, il semble sortir des abîmes de l’infini. À côté de trésors si éblouissans et si divers, le lyrisme français, vraiment déshérité, n’avait à produire d’autres témoignages que les strophes mythologiques de J.-B. Rousseau ou les tirades déclamatoires de Le Brun.

À ce triple appel des sciences historiques, de la critique et du lyrisme, il a été répondu comme il convenait au génie de la France. Plus d’un monument, que la gloire dès à présent consacre, est là qui atteste ces conquêtes nouvelles de notre siècle. Pour parler seulement de ce qui nous touche aujourd’hui, il est permis d’affirmer que la poésie aura une grande part, la meilleure part peut-être, dans ces brillantes évolutions de l’intelligence contemporaine. Le mouvement lyrique qui a commencé d’une façon si inattendue, dès les premières années de la restauration, s’est continué depuis avec éclat ; il a été varié et puissant. Rien n’a échappé à la lyre ni dans la profondeur de nos sentimens ni dans la diversité de nos passions : la lyre a été l’interprète fidèle et goûtée des émotions de la vie intime, comme des agitations de la vie sociale. Qu’il ait abandonné son ame à toute l’indépendance du doute, ou qu’il lui ait imposé la paix sous le joug de la foi ; qu’il se soit oublié aux affections du foyer, ou que, descendant dans l’arène, il ait emprunté leurs entraînemens aux partis ; qu’enfin, devant ce merveilleux spectacle des créatures et des choses, il ait cherché les mystérieux rapports de la vie qui circule dans la nature et du besoin d’aimer qui respire dans l’homme, le poète, en tout cela, n’a cessé d’être un peintre vrai. Et faisait-il en effet autre chose qu’exprimer, sous une forme meilleure, sous une forme choisie et définitive, ce qui était confus et caché au sein de tous, ce qui mourait sans écho au fond des cœurs ? C’est là un beau triomphe pour le lyrisme de notre ère, un triomphe qui lui assure la durée.

En proclamant sa sympathie pour l’ensemble de cette rénovation poétique, pour tant d’œuvres diversement originales, la critique est bien loin de remplir un devoir qui lui coûte ; elle n’a au contraire qu’à rester fidèle à ses instincts. Toutefois cette adhésion, précisément parce qu’elle est sincère, impose une vigilance plus active et nécessite une intervention en quelque sorte continue. Il ne faut pas laisser compromettre la cause qu’on aime. Aussi, en abordant le