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POETÆ MINORES.

Nous croyons sans hésiter à cette dernière menace ; l’auteur, par ses nombreux volumes, l’a plus que justifiée d’avance. On a ses aises, au reste, avec M. Le Flaguais, car c’est un combat qu’il faut accepter ; les représailles ne seront pas ménagées. L’homme au front bas, le lâche dont la plume est un couteau, c’est-à-dire tout juge indépendant de Marcel, se verra frappé sans miséricorde :

Oh ! prenez garde enfin ! sans y saisir la foudre
J’ai plané dans les cieux…

Et ailleurs :

Arrière donc, profanateurs,
Vous qui nous proposez la guerre !
Arrière, ou sous nos coups tombez, vils détracteurs !

Nous citons : on le voit, c’est se résigner de bonne grace. Dans nos jours de démocratie, il faut être poli, même envers les rois.

Marcel est une offrande à la religion de l’idéal ; c’est du moins ce qu’on apprend dans l’incroyable préface qu’un ami de l’auteur a placée en tête du volume. M. Le Flaguais ne descend pas à la prose ; tout prince a son maître des cérémonies, tout monarque son introducteur des ambassades. L’ami de M. Le Flaguais nous enseigne que la poésie doit désormais gravir la cime des choses humaines, et qu’elle est en même temps une martyre livrée aux bêtes du cirque. C’est encore une aménité pour la critique. Évidemment M. Le Flaguais a des rancunes : pour nous, nous n’en montrerons pas envers lui, nous serons bref en parlant de son livre. — Marcel est le titre collectif et arbitraire d’un nombreux recueil d’hymnes et d’élégies. On a vu le ton des hymnes, et cela suffit ; les élégies, sans valoir grand’chose, valent un peu mieux. Il y en a même quelques-unes, plus élégantes et plus tendres, comme le Vieux nid, qui pourraient être distinguées, si elles ne se perdaient dans l’uniformité commune, dans l’abondance médiocre de l’ensemble. En général, toutes ces pièces se ressemblent ; c’est toujours la même facilité verbeuse ; toujours la même poésie s’échappe, fade et incolore, de la veine constamment ouverte. M. Le Flaguais revoit tout ce qu’on a vu, répète tout ce qu’on a dit. L’amour, qui l’inspire le plus souvent, semble chez lui un thème volontaire et non pas un écho de la passion. Les éternels désespoirs du poète laissent le lecteur très rassuré sur son compte. On n’est pas inquiet du sort d’un amant qui peut dire à sa maîtresse :

Entre nous deux, Anna, je connais la distance,
Mais quand j’aurai la gloire, elle sera pour toi ;