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seignement, une mesure très sensible de l’état du goût, du degré de température, et du niveau d’aujourd’hui. Tous les deux se rapportent à ce qu’on appelle la réaction, et ils en marquent comme deux temps, coup sur coup, dans leur applaudissement sonore.

Tandis que, sous la restauration, on aimait surtout dans Talma finissant et grandissant un novateur, une espèce d’auteur et de poète dramatique (et non, certes, le moindre), qui rendait ou prêtait aux rôles un peu conventionnels et refroidis de la scène française une vie historique, une réalité à demi shakespearienne, — il arrive que ce qu’on a surtout aimé dans notre jeune et grande actrice, ç’a été un retour à l’antique, à la pose majestueuse, à la diction pure, à la passion décente et à la nature ennoblie, à ce genre de beauté enfin qui rappelle les lignes de la statuaire.

Dans la pièce de M. Ponsard (je ne prends qu’un point), on a également applaudi quelque chose de calme et d’élevé avant tout ; on a été jusqu’à oublier, jusqu’à méconnaître (et l’auteur a paru l’oublier lui-même un moment) les détails et les procédés d’exécution qui rattachent le plus cette œuvre aux innovations modernes, pour y voir une sorte d’hommage rétrospectif à des formes abolies.

Ces deux évènemens, ces deux succès, très sensibles parce qu’ils ont éclaté au théâtre et dans les circonstances les plus propres à les faire ressortir, ne sont au reste qu’une indication de ce qui se passe ailleurs et à côté dans toute l’étendue d’une certaine couche sociale : en religion, politique, arts, modes et costumes, réaction sur toute la ligne.

Réaction, après tout, superficielle et sans grand fond, secousse et agitation légère d’esprits blasés, ennuyés, qui se retournent par dégoût, et qui essaient aujourd’hui de ce qu’ils ont rebuté hier, pour ressentir quelque chose ! — Réaction légitime à certains égards, en tant qu’elle est provoquée par les excès, les abus violens, les pesanteurs ou les fatuités de l’école régnante, de celle du moins qui était faite pour régner !

Toutes les grandes et vraies réactions ont leurs causes profondes. Il y a eu, en 1800, une réaction sociale complète, et elle était, si l’on s’en souvient, assez motivée. Il s’agissait, après des désastres inouis et des ruines de tout genre, de tout recomposer, de retrouver sous les sanglans décombres la statue de la loi, la pierre et le calice de l’autel, le trône lui-même avec ses degrés. On a retrouvé alors, ou, au besoin, ou a réinventé tout cela : il y a eu, dans la grande reconstruction, du vrai, du solide et de l’authentique ; il y est entré