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portante est préparée dans la région où l’on porte sérieusement le poids des affaires. À partir de 1830, pour ne pas remonter au-delà, on commence à s’occuper de la moralisation des noirs en les rapprochant graduellement de la liberté. On facilite les affranchissemens (1831) ; on ordonne le recensement des esclaves, et on constitue leur état civil en prescrivant l’inscription officielle des naissances, des décès et des mariages dans cette classe (1833 et 1839). Les dispositions du Code noir, tombées en désuétude à cause de leur rigueur extrême, comme la mutilation et la marque, sont abolies (1833). On propage l’instruction religieuse et l’instruction primaire parmi les noirs (1840) ; on institue en leur faveur un patronage confié aux magistrats et aux ministres du culte. Une loi du 24 avril 1833 règle la constitution politique des colonies à culture, en fondant pour chacune d’elles une représentation locale sous le nom de conseil colonial. D’autres projets, relatifs à l’expropriation forcée et à l’organisation judiciaire, sont étudiés. Dès 1835, on met les conseils coloniaux à l’épreuve en les consultant sur divers points relatifs à l’émancipation[1]. Juges intéressés dans cette cause, ces conseils perdent tout crédit par leur partialité évidente. Par contre-coup, la législature nationale manifeste à plusieurs reprises l’intention d’abolir le travail forcé. Une proposition de M. Passy, reproduite par M. de Tracy, est prise en considération, et M. de Tocqueville, rapporteur d’une commission instituée par la chambre, fait, en 1839, un rapport dont le gouvernement accepte les bases. Nouvelles enquêtes, accumulation de documens offerts à la méditation des hommes spéciaux. Une circulaire ministérielle du 18 juillet 1840 institue dans chacune des colonies un conseil spécial, composé des principaux fonctionnaires, dans l’espoir d’en obtenir des avis désintéressés sur la question à l’ordre du jour. M. Jules Lechevalier est chargé d’étudier les actes relatifs aux colonies anglaises avant et après l’épreuve de l’émancipation, et son analyse intelligente résume en trois volumes énormes vingt-cinq volumes in-folio de pièces officielles. On ne s’en tient pas aux écrits d’origine anglaise. Des commissaires français sont envoyés sur les lieux pendant le régime de l’apprentissage, après la libération complète, et plusieurs de leurs rapports, notamment ceux de M. Layrle, ne sont pas moins remarquables par la lucidité et la pénétration administrative que par le talent descriptif[2]. Une série de Notices statistiques sur nos possessions extérieures a été complétée[3]. L’état économique et industriel de nos deux principales colonies a été étudié par M.  La-

  1. Leurs délibérations ont donné matière à deux publications volumineuses, savoir : Questions relatives à l’abolition de l’esclavage (1840-43), in-4o, de plus de mille pages ; — Avis des conseils coloniaux, 2 vol. in-4o (1839).
  2. Abolition de l’Esclavage dans les colonies anglaises, quatrième publication du ministère de la marine. — Les trois premiers volumes de cette série renferment l’historique de l’émancipation.
  3. vol. in-8o (1838-40).