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permettraient le doute au moraliste. Les dernières recherches anatomiques sur la peau établissent assez vaguement que la coloration de l’épiderme dépend de la figure des petites écailles formées à la surface par une sécrétion particulière des tissus[1]. N’est-il pas possible que cette agglutination du fluide sécrété soit modifiée, chez le noir, par des influences physiques, par une alimentation défavorable, par les inimaginables bizarreries de la vie sauvage ? Nombre d’exemples pourraient servir de commentaire à notre pensée ; rappelons seulement un fait qui a frappé un voyageur étranger à toute idée systématique[2] : c’est que, dans l’Hindoustan, la teinte de la peau est plus ou moins foncée suivant le degré qu’occupent les individus dans la hiérarchie des castes. La science affirme aussi que les sécrétions de l’appareil tégumentaire déterminent la qualité et la couleur des cheveux. La chevelure crépue et laineuse du nègre serait donc en rapport avec la nature de sa peau. Quant à la dépression du front, c’est un résultat et non pas une cause. Tout le monde sait que les organes se développent ou s’atrophient, selon l’emploi qu’on en fait. Les sauvages abrutis, dont les facultés mentales sont inexercées, laissent dépérir en eux l’organe de l’intelligence ; à mesure que leur front fuit et s’abat, leur mâchoire qui s’allonge rappelle le museau de la bête. Par une raison contraire, chez l’homme dont le moral est surexcité, le cerveau s’enrichit du tribut de toutes les forces vitales ; le front s’élève et rayonne : c’est ainsi que l’angle facial, abaissé chez le Hottentot stupide, se redresse, suivant la mesure de l’intelligence, jusqu’à la majesté idéale du Jupiter Olympien.

Contester à la race noire l’aptitude à la civilisation, ce serait donner un démenti formel aux témoignages historiques. S’il est vrai, comme l’affirment Hérodote, Diodore et Manéthon, que la société égyptienne ait eu pour berceau l’Éthiopie, il faut saluer les nègres comme les instituteurs du genre humain. « Quel sujet de méditation, a dit Volney, de penser que cette race d’hommes, aujourd’hui notre esclave, est la même à qui nous devons nos

  1. N’ayant aucun titre pour aborder de pareilles questions, nous laissons parler les maîtres.

    « Comment s’opère la coloration ? — Il est présumable que la forme de l’écaille ou de l’utricule joue un rôle quelconque dans la production de ce phénomène. Les nègres et les cétacées qui ont la peau noire auraient-ils une écaille de forme identique (en spatule) ? Celle de l’homme européen a la forme d’un trapèze Si, comme nous le présumons, les écailles de la peau du nègre diffèrent de celles du blanc, et si la différence de forme en produit une dans la couleur, ce point d’organisation expliquerait peut-être dans les deux races la dissemblance de coloration sans avoir besoin de recourir à l’influence si contestée du soleil. » (Breschet et Roussel de Vauzème, Recherches anatomiques sur les appareils tégumentaires des animaux, mémoire lu à l’Académie des Sciences, et inséré dans les Annales des Sciences naturelles (1834), zoologie, tom. II, pag. 340-41.)

  2. Les Anglais dans l’Hindoustan. — Revue des deux Mondes, 1842, tome 31, page 640.