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DE LA SOCIÉTÉ COLONIALE.

que des magistratures régulières et permanentes. Il suffirait de bien déterminer la compétence des magistrats en exercice, de leur donner au besoin des suppléans, d’augmenter le nombre des justices de paix. La dépense annuelle pour les quatre colonies n’excéderait pas 269,500 fr.

À la fermeture des cachots particuliers, il faudra ouvrir de nouvelles prisons publiques. Huit maisons centrales de détention, et quarante-quatre geôles à proximité des justices de paix, nécessiteraient un déboursé de 1,620,000 f., pour premier établissement, et une charge annuelle de 34,000 f.

L’éducation d’une race déchue commande aussi des sacrifices très dispendieux : il faudra appeler les humbles missionnaires des congrégations enseignantes, multiplier les salles d’asile et les écoles primaires. La dépense prévue s’élèverait en matériel à la somme de 1,740,000 francs, et en personnel à la somme de 488,100 fr. ; cette dernière somme constituerait seule une dépense annuelle.

Aujourd’hui, l’esclave annulé par l’âge ou les infirmités reste forcément à la charge du spéculateur qui a exploité sa jeunesse. Les affranchis que la misère ou l’inconduite auront réduits à l’impuissance tomberont à la charge du public, et il y aura nécessité d’ouvrir à ces malheureux des infirmeries et des lieux de refuge. Il existe déjà dans les colonies des hôpitaux où l’on reçoit les militaires, les indigens de la classe libre, et les noirs du domaine colonial. En laissant à la charge des maîtres les esclaves que l’émancipation trouvera en état d’invalidité, il suffira de construire huit hospices nouveaux, comprenant 2,110 lits : on évalue à 678,000 francs la dépense primitive, et à 80,000 francs la dépense annuelle en personnel, entretien et médicamens.

Le clergé colonial, tel qu’il est constitué, ne paraît pas devoir être à la hauteur de sa nouvelle mission pour en agrandir, pour en épurer le cadre, il suffirait d’une faible allocation annuelle, imputable sur un crédit déjà ouvert au département de la marine.

En résumé, la mise de fonds première pour réédifier la société coloniale serait de 7,364,000 fr., et le surcroît des dépenses annuelles de 2,718,500 fr. De compte fait, l’intérêt de l’indemnité, le transfert déjà effectué du budget colonial au compte de l’état, le surcroît prévu des dépenses administratives, représentent une rente annuelle de plus de 11 millions dont la métropole accepterait la charge. En se plaçant au point de vue des intérêts financiers, on se demande quels avantages la France aurait à espérer en dédommagement de cet énorme sacrifice ?

Puisque, dans les idées régnantes, la fondation des colonies a pour but de réserver à l’industrie métropolitaine des marchés privilégiés à l’abri des concurrences commerciales et des perturbations de la politique extérieure, il faut entretenir ces marchés dans un état florissant. Malgré leur détresse actuelle, nos quatre colonies à sucre sont encore notre sixième débouché[1].

  1. Elles viennent après les États-Unis, l’Angleterre, les États sardes, l’Espagne et la Suisse.