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LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

reur serait assuré de recueillir le fruit de ses sueurs, des chantiers et des comptoirs pour l’exportation s’élèveraient sur ces deux côtes, frontières de l’empire ; des centaines de barques légères s’élanceraient au besoin pour couvrir comme avant-garde la grosse marine militaire des Ottomans, stationnée dans les mers intérieures, depuis le magnifique port de Bourgas, qui pourrait devenir le Toulon de la Turquie, jusqu’à Gallipoli et à Smyrne. Les rivières même changeraient de face. La navigation de la Save et du Danube, dont on laisse si imprudemment l’Autriche s’emparer, serait restituée aux riverains de ces deux fleuves, sur une longueur de quatre cents lieues, dont trois cents pour le Danube seul. Ranimés par la liberté, les Gréco-Slaves rendraient au commerce de leur péninsule toute son antique prospérité, et le besoin d’exporter leurs produits, devenus plus abondans, couvrirait de caïques les rivières, qui aujourd’hui coulent abandonnées entre des rives sans habitans. Il serait injuste d’attribuer aux Turcs cette dépopulation, qui se retrouve au même degré sur les côtes et dans l’archipel serbes de l’Adriatique. Malgré tout l’intérêt que l’Autriche aurait à vivifier ces lieux couverts autrefois des plus florissans villages, elle les laisse languir dans une misère affreuse, tant il est difficile à une nation d’exploiter avec intelligence et selon sa valeur une terre qui n’est pas sa terre natale.

En Bulgarie, on retrouve l’humus jusqu’au sommet des balkans qui semblent les plus inaccessibles. L’infatigable activité des habitans couvre les versans de ces monts d’arbres fruitiers : pendant que le Bulgare transforme les hauts plateaux en prairies pour les troupeaux, il rend les vallées aptes à produire toute espèce de céréales. Mais ce peuple, qui sème et cultive avec tant d’ardeur, n’a point de marché pour écouler ses denrées. Ce ne sont cependant pas les débouchés naturels qui lui manquent ; ils abondent. Outre le Danube, les Bulgares ont la Maritsa et le Strouma, les deux principales rivières de l’intérieur de la Turquie, et qui, après avoir arrosé des champs bulgares durant une grande partie de leur cours, forment, à leur embouchure dans la mer Égée, de petits ports où habitent des pêcheurs également bulgares. Des colonies de cette nation sont semées le long de la côte, depuis Orfano, dans le golfe de Contessa, où se perdent les eaux du Strouma, jusqu’au mont Athos, où un grand couvent n’est peuplé que de Bulgares. La Maritsa, qui traverse les deux grandes villes de Philippopoli et d’Andrinople, et qui ne s’arrête que dans le golfe d’Enos, offrirait surtout aux produits du Balkan un moyen de transport admirable, si quelques travaux de cana-