Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/289

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
LE MONDE GRÉCO-SLAVE.

du Kitog, où une armée d’invasion venant d’Autriche serait facilement détruite. Une autre voie militaire, descendant de Temesvar à Orchova, suit la rive serbe du Danube par Kladovo, Berza, Palanka, Goloubats et Negotine ; mais cette route offre cent passages des plus perfides, et elle est souvent si étroite, que deux cavaliers n’y pourraient marcher de front ; en outre, elle est séparée de l’intérieur de la Serbie par des chaînes de montagnes. Ce peuple trouve donc dans la rudesse inculte de son pays, dénué de routes, de villes et de commerce, une des plus sûres garanties d’indépendance.

Au sud de la principauté serbe s’étend la Bosnie. Là comme sur tous les autres points de la péninsule les nécessités physiques se joignent aux nécessités morales pour préparer l’œuvre de la confédération. Il est vrai que Zvornik, Novibazar et Travnik sont aux mains des Turcs, et que ces positions redoutables pourraient résister à bien des assauts ; mais toutes les campagnes qui les environnent étant serbes et chrétiennes, dès que les raïas de Bosnie auront résolu de s’unir à leurs frères de la principauté, il leur suffira de bloquer dans ces trois places leurs pachas, qui, faute de vivres, seront bientôt contraints de les évacuer. Quant à l’Hertsegovine, on sait combien cette annexe de la Bosnie est profondément travaillée par la propagande politique et les invasions armées du Tsernogore. Chaque année, quelque nouveau village hertsegovinien refuse le haratch aux Turcs, et se met sous la protection des carabines de la Montagne Noire. Le visir de la province est presque bloqué dans sa forte résidence de Mostar, qui, si elle pouvait être emportée d’assaut, l’aurait été depuis long-temps ; de plus en plus, les tribus libres circonscrivent le rayon étroit où il est encore permis au tyran de Mostar de décapiter des chrétiens.

Au milieu de ces tribus s’élève le champ d’asile des Serbes, le Monténégro, qui est plutôt un camp qu’une province. Dominant par leur position l’Hertsegovine et l’Albanie, les Monténégrins sont entraînés à peser à la fois sur ces deux régions ; la moitié de l’Albanie paraît n’avoir plus d’avenir national que par son union avec la montagne libre. L’Europe elle-même, en interdisant aux Monténégrins les bouches de Kataro, les jette nécessairement sur l’Albanie. C’est le seul point par lequel ils puissent arriver à la mer sans offenser aucune puissance chrétienne, et même, on peut l’affirmer, sans attirer sur eux une attaque générale de l’empire turc. Les quatre nahias dont se compose le Tsernogore débouchent toutes sur le lac de Skadar, où tombent les deux rivières navigables du pays, la Tser-