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entre le Monténégro et la Macédoine, conservent encore une vive antipathie contre leurs voisins serbes défenseurs du schisme ; souvent il s’engage entre les Serbes et ces tribus des luttes fanatiques qui n’aboutissent qu’à décimer les défenseurs de l’église romaine. Le nombre et l’organisation assurent de plus en plus le triomphe des schismatiques, et sauf le cas d’une intervention étrangère, les catholiques libres d’Albanie seront forcés de s’unir aux Slaves, déjà tellement mêlés avec les Chkipetars, qu’on ne peut distinguer politiquement ces deux races. Dans le premier groupe des tribus mirdites, chez les Dibrans, la fusion paraît près de s’accomplir. Une partie de la grande tribu des Klementi s’est même coalisée avec les Monténégrins. Il reste encore à entraîner dans la même voie les autres phars ou clans mirdites du nord de l’Albanie, qui forment un corps de près de cent mille individus, où se trouvent enclavées une foule de colonies serbes et bulgares. Pour hâter cette révolution, le Tsernogore, depuis 1839, ne cesse d’agir par les armes ou par son influence morale dans ces vallées, dont il rend successivement les villages ses tributaires ou ses alliés. Les Dibrans ont même fraternisé en 1840 avec les raïas insurgés de Bosnie, et depuis lors l’amitié entre les deux peuples est allée toujours croissant, comme pour sceller l’indépendance que ces tribus ont conquise au prix de leur sang.

Le second groupe de tribus libres, celui des Mattes, évalué à soixante-dix mille individus, et dont le gouvernement siége dans les forêts d’Oroch, est par sa position méridionale celui qui a le moins de rapports avec les Slaves. Cependant, par suite de la proximité des féroces tribus musulmanes de la Toskorie et du Mousaché, la Mattia ne peut s’abstenir d’adhérer à l’union bulgaro-serbe, si elle veut défendre ses antiques droits contre de nouvelles attaques du nizam, et ne pas subir le sort des Maronites du Liban. Le vladika schismatique du Tsernogore et le vladika catholique d’Oroch doivent enfin comprendre que leur plus grand intérêt est d’unir politiquement les deux montagnes. Unies, elles doubleront leurs forces, elles pourront opposer à tout ennemi une armée aguerrie de cinquante mille hommes.

Pour les musulmans d’Albanie eux-mêmes, la question est de vivre libres par leur union avec les Slaves ou de devenir Turcs en continuant de s’isoler. Le système de centralisation administrative suivi par le divan depuis le sultan Mahmoud n’épargnera pas plus les mahométans d’Albanie que ceux de Bosnie : les clans ne maintiendront que par la force leur antique existence ; mais les insurrections iso-