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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/312

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nale continuaient de leur être refusées, et s’ils ne trouvaient dans le tsar qu’un oppresseur, il resterait encore aux Bulgares une ressource dernière, mais violente et désespérée, la guerre de haïdouks. Ils devraient alors principalement s’unir aux montagnes indépendantes de l’Albanie et de la Bosnie. Ces prétendus repaires de brigands, n’étant reconnus par aucune puissance et liés par aucun traité, offrent aux Bulgares des renforts et des refuges assurés contre tous leurs ennemis. Quelle guerre, dira-t-on, pourraient faire ces peuples sans artillerie, sans magasins, sans officiers qui comprennent les manœuvres régulières ? Mais ici la guerre régulière est impossible. La seule stratégie applicable dans les montagnes gréco-slaves, comme dans les pays caucasiens, sera toujours la stratégie orientale, le système antique. Les plus savantes et les plus formidables combinaisons d’attaque peuvent être déjouées dans les Balkans par une simple embuscade de haïdouks. Ici l’artillerie embarrasse plus qu’elle n’aide ; cent carabines, dominant une de ces gorges à pic qui souvent ferment toute une province, et où les hommes ne peuvent s’avancer qu’un à un, rendront quelquefois plus de services que cent canons. Partout où les régimens ne peuvent combattre en masses serrées, la bravoure personnelle recouvre tous ses droits ; il ne s’agit plus que d’une lutte d’homme à homme, et dans cette lutte qui se vantera de terrasser le Slave d’Orient ? La Russie elle-même se gardera bien de relever ce défi ; elle continuera de s’avancer en Orient par des intrigues et des promesses. Quant aux autres puissances, si elles voulaient poursuivre par la force ouverte leurs plans d’agrandissement aux dépens des Slaves de Turquie, ce serait en vain qu’elles se confieraient à la supériorité de leur tactique militaire.

Il faut que le sultan imite la sagesse des anciens empereurs grecs, toujours si profonde, même aux époques d’abâtardissement. Quelle cause fit subsister Byzance durant tant de siècles en dépit de l’islamisme et des Latins conjurés contre elle ? Ce fut le secours des Slaves, ce furent les colonies de pâtres et de laboureurs slaves qui incessamment renouvelaient la population de ses provinces épuisées. Loin d’exclure, comme fait le sultan, ces étrangers de la milice, les empereurs grecs en composaient leurs plus braves légions, leurs gardes du corps et les gardes des frontières ; loin d’exiger d’eux le tribut, ils le leur payaient en récompense de leurs services militaires. Plus tard, quand Byzance fut tombée pour s’être aliéné ces peuples, ce fut encore avec leur aide que les sultans firent face à l’Europe entière, et maintenant l’empire turc ne peut échapper à sa ruine qu’en ral-