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de votre part la liberté du culte aux habitans du Mont-Blanc, et nous les avons trompés !

« C’est clair, cela ; mais ce que ce bon apôtre n’a pas dit, c’est qu’il était venu en Savoie tout justement pour y faire ce qu’il a blâmé dans les autres.

« Ce n’est pas seulement le culte de la déesse Raison dont nous ne voulons pas : nous ne voulons rien de nouveau, rien, ce qui s’appelle rien. On nous l’avait promis ; pourquoi nous a-t-on trompés ?

« Je l’entendis, ce curé d’Embremenil, le 16 février 1793, lorsqu’il se donna tant de peine dans la cathédrale de Chambéri, pour nous prouver que l’église constitutionnelle était catholique. Son discours emberlicoqua beaucoup de gens ; mais, quoiqu’il ait de l’esprit comme quatre, il ne me fit pas reculer de l’épaisseur d’un cheveu. Quand je le vis en chaire, sans surplis, avec une cravate noire, ayant à côté de lui un chapeau rond au lieu d’un bonnet à houppe, et nous disant citoyen au lieu de mes frères ou mon cher auditeur, je me dis d’abord en moi-même : Cet homme est schismatique.

« En effet, quelle apparence que le bon Dieu n’ait fait la religion que pour les esprits pointus, et qu’il n’y ait pas quelque manière facile de connaître ce qui est faux. Quand il viendra quelque grivois d’apôtre vous prêcher un Credo de sa façon, au lieu de s’embarquer dans de grands alibi-forains qui font tourner la tête, vous n’avez qu’à le regarder bien attentivement : je veux ne moissonner de ma vie si vous ne découvrez pas sur sa personne quelque chose d’hérétique, ne fût-ce qu’un bouton de veste.

« Mais, baste : la C. N. se moque de l’église constitutionnelle, ce n’est pas l’embarras ; le mal est qu’elle déteste la nôtre et qu’elle n’en veut point. Ainsi c’est à vous de voir si vous voulez vous trouver sans religion.

« La liberté du culte, qu’on vous a promise depuis quelque temps, n’est qu’une farce. Si vous êtes catholiques, essayez un peu de jeter à la poste une lettre adressée à sa sainteté le pape, à Rome, vous verrez si elle arrivera.

« C’est cependant drôle qu’un catholique ne puisse pas écrire au pape !

« Et vos évêques, où sont-ils ? et vos prêtres, pourquoi ne vous les rend-on pas ? Est-ce agir rondement de promettre une église catholique, et de bannir les prêtres catholiques ? — Mais, dira-t-on, nous en avons en Savoie. — Oui, ils y sont à leurs périls et risques. On les a calomniés, insultés, emprisonnés, fusillés. On recommencera demain, aujourd’hui, quand on voudra. On n’a point révoqué la loi qui les déporte ni celle qui confisque leurs biens, après une loi solennelle qui leur permettait de les administrer par procureur.

« Ne vous laissez donc pas tromper : la rancune contre notre religion est toujours la même, et, si l’on a fait quelque chose en sa faveur, ce n’est pas par amitié, ce n’est pas par justice, c’est par crainte. Les gens de l’ouest[1] n’ont pas voulu démordre, il a bien fallu accorder quelque chose, mais c’est bien à contre-cœur et de mauvaise grace.

« Boissy-d’Anglas est, à ce qu’on dit, un des bons enfans de l’assemblée ;

  1. Les Bretons, les Vendéens.