« Il faudrait avoir les yeux pochés pour ne pas voir ici un homme en colère qui se console du décret dans la préface.
« Je mentirais au reste si j’assurais que je comprends tout ce morceau, et que je connais les trois théologiens dont il parle ; mais je gagerais bien à tout hasard mes deux charrues contre un exemplaire de la nouvelle constitution que Socrate, Marc-Aurèle et Cicéron étaient protestans. »
L’objection contre les trois théologiens pouvait porter coup en Savoie, à cette date de 1795 ; hors de là elle n’est que gaie.
Et ceci n’est pas, autant qu’on pourrait bien le croire, un accident du genre. Certes M. de Maistre, par le fond habituel de sa pensée, restera toujours un écrivain profondément sérieux ; mais pourtant on n’a pas fait en lui la part de ce qui très souvent dans le détail n’est que gai. On y aurait gagné de le voir beaucoup plus au naturel et moins terrible.
La dernière des brochures préliminaires de M. de Maistre, que j’aie à analyser est son Mémoire sur les prétendus Émigrés savoisiens (1796). Ici, comme il s’adresse à la législature de France, il sait prendre le ton convenable, bien qu’énergique, et non sans quelques-uns encore de ces éclats de parole qui vont devenir le cachet inséparable de son talent. C’est d’abord tout un tableau de la Terreur en sa malheureuse patrie. Puisque les grands historiens s’occupent si peu de ces vérités de détail, de ces bagatelles provinciales et locales, qui gêneraient leurs évolutions, qu’on veuille bien permettre au biographe de ne pas les négliger. Les Français, comme on l’a dit, étant entrés en Savoie le 22 septembre 1792, on ne vit pendant un mois que ce qu’on voit dans toutes les conquêtes ; mais bientôt, les assemblées primaires ayant été convoquées, elles nommèrent des députés qui