Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
344
REVUE DES DEUX MONDES.

ment et lui déclarer que, plutôt que de le conserver au prix d’une guerre civile, il préfère déposer le pouvoir que la nation lui avait confié. À la tête d’une armée encore fidèle et dévouée, c’est là un rôle qui ne manque pas de grandeur, et les Espagnols ne sont pas insensibles à la grandeur et au courage.

Mais nous n’avons garde d’insister sur une pensée qui paraîtra sans doute fort romanesque aux ambitieux de bas étage, si nombreux de nos jours. Ce qui méritera peut-être davantage leur attention, c’est la situation des colonies espagnoles. Là commandent, avec un pouvoir qu’on peut dire absolu, les hommes les plus dévoués au régent, les ayacuchos les plus ardens et les plus résolus. Que feront-ils en recevant les nouvelles d’Espagne ? Il vaut la peine d’y regarder.

Le gouvernement anglais temporise encore à l’égard de l’Irlande. La question s’agite au sein du parlement, mais sans incident remarquable. On peut cependant citer le discours de sir J. Graham comme un fait qui n’est guère propre à calmer les esprits, et qui pourrait faire supposer de la part du gouvernement anglais des intentions très sévères et des projets violens à l’endroit de l’Irlande. Nous avons cependant peine à croire qu’on songe sérieusement à se jeter dans cette voie. Elle n’est plus de notre temps ni de nos mœurs. À peine serait-elle concevable si les Irlandais n’avaient absolument aucune réclamation fondée à proposer, aucune demande légitime à faire valoir. En est-il ainsi ? À part quelques fanatiques, il n’y a pas d’homme consciencieux qui puisse répondre affirmativement. L’Irlande est un malade qu’il faut ménager, traiter avec douceur, guérir peu à peu ; l’Angleterre ne doit pas oublier que les maux de l’Irlande sont en partie son œuvre.

Un duel entre des personnes connues et qui a eu de funestes résultats a vivement préoccupé les esprits en Angleterre. Les hommes pieux et les philantropes se sont émus. Un membre du parlement, M. Turner, a interpellé sir Robert Peel pour savoir si dans la prochaine session du parlement le gouvernement présenterait un bill pour prévenir le duel. La réponse du ministre a été marquée au coin de cette prudence éclairée qui le distingue. Le gouvernement de la reine, a-t-il dit, ne pouvait encore prendre aucun engagement au sujet d’une question si grave, si délicate, et qui mériterait d’être mûrement étudiée ; mais l’honorable membre n’est pas lié par les scrupules du gouvernement : la voie de l’initiative lui est ouverte, et le ministre l’engageait à s’en servir. Ainsi une motion sur le duel ne tardera probablement pas à être présentée au parlement. Nous en sommes bien aises. La discussion y pénétrera sans doute dans toutes les profondeurs de cette grande et belle question, et il en jaillira des lumières qui pourront être utiles pour d’autres législations. On a beaucoup dit qu’une bonne loi spéciale sur le duel était chose impossible. C’est là, ce nous semble, une erreur. Parce qu’il y a eu sur le duel plus d’une loi absurde, faut-il en conclure qu’il n’est pas donné aux hommes de faire sur cette matière délicate une loi raisonnable ? Que veut-on en défi-