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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/349

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REVUE. — CHRONIQUE.

d’Espartero. Rien de semblable jusqu’ici en Espagne. Madrid ne signifie rien pour les Espagnols ; il fera son pronunciamento, si bon lui semble ; on se passera de lui, s’il persévère dans sa fidélité à Espartero. Un Espagnol conçoit parfaitement que toute l’Espagne soit gouvernée par des juntes locales, tandis que le régent occuperait encore pendant deux mois, six mois, un an, deux ans, la capitale et la banlieue.

Il est vrai que les nouvelles les plus récentes annoncent la marche sur Madrid de divers corps d’insurgés. Si cette nouvelle se confirme, il se pourrait qu’une lutte sanglante éclatât aux portes, au sein même de la capitale. Le régent peut-il assumer la responsabilité d’un fait de cette nature ?

Sans vouloir pénétrer dans les mystères de l’avenir, on ne peut pas ne pas reconnaître que la position personnelle d’Espartero est sérieusement compromise, quelle que soit d’ailleurs l’issue de la lutte. Qu’a-t-il devant lui dans l’hypothèse la plus favorable ? Une régence de quelques mois et au bout des haines sans nombre, des haines implacables, espagnoles, et pas la moindre chance de pouvoir continuer à jouer un rôle quelconque dans son pays, et cela lors même qu’il parviendrait à dissiper l’insurrection sans effusion de sang, sans cruautés, sans tyrannie. Or, pour peu qu’on connaisse l’Espagne, on sait que cela est impossible. Ses ennemis ne se soumettront pas sans une lutte acharnée, et ses amis ne lui permettraient pas d’être clément et modéré, le voulût-il.

En attendant, la reine est toujours à Madrid, protégée, dit-on, par un régiment de ligne et des milices. Il est difficile de se persuader que les deux partis ne méditent pas de s’emparer de ce précieux dépôt pour s’en faire une force morale et peut-être un moyen de transaction. On disait aujourd’hui que les esparteristes de la capitale avaient imaginé un coup de main pour amener la reine au camp d’Espartero, mais que, ce projet ayant été déjoué, l’exécution en était désormais impossible. Peut-être n’était-ce là qu’un faux bruit, une de ces calomnies que les partis se jettent à la tête l’un de l’autre. Quoi qu’il en soit, il nous paraît évident que le premier devoir du régent dans ces difficiles conjonctures est de songer à la sûreté de la reine. Comment peut-il la laisser ainsi exposée aux coups de main des hommes les plus audacieux, les plus aventureux de l’un ou de l’autre parti, n’ayant pour toute garantie qu’un régiment et quelques miliciens ?

Le régent, dit-on, marche sur Ocana ; les uns pensent que ce mouvement a pour but de se rapprocher de la capitale ; les autres n’y voient qu’une tentative pour rejoindre Van-Halen dans l’Andalousie. Mais le régent voudra-t-il s’enfoncer ainsi dans l’Andalousie en laissant la reine à Madrid ? Et s’il marche sur Madrid, sera-ce seulement pour y livrer des combats qui pourraient jeter la capitale dans la plus violente anarchie ?

Il ne reste, ce nous semble, qu’une voie honorable ouverte au régent : c’est de rentrer effectivement à Madrid, mais pour rapporter, vu les circonstances, le décret de dissolution des cortès, pour convoquer sur-le-champ le parle-