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REVUE. — CHRONIQUE.

et ne leur conféra que des droits politiques. Les catholiques, en entrant dans le parlement, y passèrent donc immédiatement à l’état d’opposition, et furent réformistes par nécessité. Ainsi les deux principaux griefs des catholiques étaient l’obligation de payer la dîme à une église qui leur était hostile, et la composition des cours ecclésiastiques, qui ont, comme on sait, une juridiction civile très étendue, et dont les juges étaient en général des ministres protestans. L’acte d’émancipation ne porta remède à aucun de ces griefs ; il ne fit donc en dernier résultat que des mécontens, en Angleterre comme en Irlande : en Angleterre parce qu’il souleva contre le gouvernement le parti protestant, en Irlande parce qu’il ne profita pas aux masses, et que la classe moyenne et la classe pauvre, bien que représentées au parlement, trouvèrent qu’après tout leurs intérêts matériels n’avaient éprouvé aucune amélioration, et qu’elles étaient toujours obligées de payer deux églises.

De la sorte, le gouvernement conservateur, en admettant les catholiques dans le parlement, ne fit que grossir les rangs du parti de la réforme. Dès ce jour, l’influence de l’Irlande plana sur la politique intérieure de l’Angleterre ; pendant douze ans, elle domina le gouvernement ; depuis deux ans, elle l’embarrasse, aujourd’hui elle le paralyse. L’acte d’émancipation et la révolution de juillet portèrent les whigs au pouvoir, et ce fut avec l’aide des Irlandais que les whigs firent passer le bill de réforme. Le parti libéral en Angleterre devint l’allié naturel du parti catholique en Irlande ; M. O’Connell et ses amis secondèrent les réformes politiques, et, en échange, lord John Russell et son parti appuyèrent les réformes religieuses. J’ai dit, monsieur, dans une précédente lettre, comment les Irlandais, formant dans la chambre des communes l’appoint de la majorité ministérielle, devinrent de plus en plus les arbitres du gouvernement, et comment, pour cette raison, le sentiment protestant de l’Angleterre finit par se soulever contre les whigs et les renverser. C’était pour des considérations religieuses que certains des membres les plus importans du parti whig s’étaient jetés dans le parti tory. Le vieux lord Grey, fatigué et croyant qu’il était temps de s’arrêter, s’était retiré des affaires, abandonnant la réforme à sa pente. Lord Stanley et sir James Graham étaient sortis avec éclat du ministère dès qu’il s’était agi d’employer une partie des revenus de l’église d’Irlande à l’éducation du peuple sans acception de communions. C’était enfin la question de l’appropriation qui avait amené, en 1835, la chute du ministère de sir Robert Peel, et c’est peut-être encore sur cette question que s’engagera bientôt la lutte. Le ministre de l’intérieur, sir James Graham, a déclaré formellement, il y a peu de jours, que ni lui ni ses collègues ne consentiraient à ce que les revenus de l’église protestante fussent appliqués à des usages catholiques ; mais sir Robert Peel et le duc de Wellington n’avaient-ils pas aussi déclaré qu’ils ne concéderaient jamais cet acte d’émancipation, qu’ils ont pourtant fini par proposer eux-mêmes ?

Tout ce qui précède, monsieur, tend à établir que la religion protestante,