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DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

qu’à des particuliers d’aventurer leurs fonds, les premières répartissant la perte, s’il y en a, sur un grand nombre d’individus, tandis qu’elle serait écrasante pour les autres.

C’est enfin aux associations qu’il appartient de tenter certaines opérations aventureuses qui peuvent offrir des chances brillantes, mais trop incertaines pour les particuliers. Veut-on hasarder, par exemple, une expédition lointaine dans un pays nouveau et mal connu, une société à laquelle chacun des membres n’aurait apporté qu’une faible portion de son avoir pourra le faire avec convenance pour elle-même et grand profit pour le pays.

Des associations se sont formées, tant en Angleterre qu’aux États-Unis, pour les entreprises les plus hasardées comme les plus gigantesques. Sans compter les immenses travaux de communication intérieure qu’elles ont exécutés, elles ont entrepris de fonder des colonies lointaines, de créer des villes dans les déserts, d’exploiter des régions inconnues. Il n’est point d’idée si hardie, pourvu qu’elle offrît la perspective plus ou moins éloignée de quelques résultats brilans, dont elles n’aient tenté la réalisation. De tout cela, il est sorti quelquefois des mécomptes, des désastres partiels, et même, si l’on veut, des perturbations commerciales, quoique ces dernières dérivent bien plus souvent des erreurs de la politique que des fausses spéculations du commerce : on ne tente pas les hasards sans s’exposer à des revers ; mais aussi, quel essor donné à l’industrie générale ! que de voies nouvelles ouvertes à son activité ! Comme la sphère commerciale s’est agrandie, et, malgré quelques pertes partielles, quel accroissement final de richesse pour les deux peuples ! Si plusieurs de ces sociétés sont tombées après avoir éprouvé des désastres, beaucoup d’autres ont survécu pour faire à la fois la force et l’orgueil de leur pays, et sur les ruines même de celles qui ont succombé se sont ouverts des chemins nouveaux où les particuliers se sont précipités avec ardeur.

II.

Dans aucun temps, le principe de l’association n’a été largement appliqué en France. Soit avant, soit depuis la révolution, on n’y trouve guère qu’un certain nombre de ces sociétés chétives que le niveau commun atteint, peu ou point de ces puissans concours de capitaux ou d’hommes qui mettent le commerce d’un pays à la hauteur des grandes entreprises. Bien des gens s’en prennent au génie du peuple français, peu propre, dit-on, à se prêter aux combinaisons de l’association commerciale. Sans nous arrêter à cette explication, qui nous paraît prématurée, nous essaierons de montrer que la cause du mal est toute dans la loi qui régit nos sociétés.

On a lieu de croire que les sociétés commerciales ont été, en France, abandonnées à elles-mêmes jusqu’en 1673, époque où on jugea à propos de les soumettre à un régime fixe. L’ordonnance qui parut alors reconnut deux espèces de sociétés, la société en nom collectif et la société en commandite,