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qui furent conçues et réglées à peu près de la même manière qu’elles le sont aujourd’hui. À côté de ces deux espèces de sociétés, régulièrement organisées, il s’en établit d’autres, irrégulières et libres, mais passagères de leur nature, généralement formées pour une opération unique, et dont pour cette raison la loi ne crut pas devoir s’occuper : ce sont celles que nous appelons aujourd’hui sociétés en participation ; on les désignait alors sous le nom général de sociétés anonymes.

Ce système, comme on le voit, ne laissait aucune place pour l’association en grand, car ni l’une ni l’autre des deux formes reconnues par la loi ne comportait une application bien large, d’autant mieux que la commandite n’admettait pas alors la division du capital en actions, qui n’a été autorisée que dans la suite. Quant aux sociétés qu’on appelait alors anonymes, elles n’avaient en général ni lien ni consistance, n’étant faites la plupart que pour durer un jour. Aussi, sous ce régime, la grande association, l’association par actions, la seule féconde et large, fut-elle à peu près inconnue. On n’en voyait d’exemples que dans quelques établissemens spécialement autorisés par le gouvernement ou même institués par lui, comme la compagnie des Indes, la banque de Law, et quelques autres du même genre : compagnies organisées en vertu d’un privilége spécial, et qui étaient moins des établissemens commerciaux que des institutions publiques.

Au sortir de la révolution, à la faveur du désordre administratif, les sociétés commerciales s’émancipèrent. Ce fut alors que l’usage introduisit dans la société en commandite le système des actions qui en élargissait le cadre. Dans le même temps, on vit surgir une société d’une nouvelle espèce, à laquelle l’ancienne société anonyme, grace à la tolérance dont elle jouissait, servit, à ce qu’il semble, de fondement ou de prétexte, quoiqu’elle en différât beaucoup. Cette nouvelle société, plus grande, plus large, plus féconde qu’aucune de celles qui existaient auparavant, se glissa dans le monde commercial sous un nom emprunté et s’y propagea sans aucune sanction légale ; mais, malgré les désordres inséparables de sa situation anormale et précaire, elle ne tarda pas à y jouer le rôle que sa belle constitution lui réservait. C’est celle que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de société anonyme.

Lors de la rédaction des codes, en 1807, on revint à l’ancienne législation, qu’on adopta dans ses bases essentielles ; mais on y introduisit quelques-unes des innovations que l’usage venait de consacrer. C’est ainsi que la société en commandite conserva le privilége qu’elle s’était attribué, de diviser son capital en actions, et la nouvelle société anonyme, qui n’existait encore que par une sorte de tolérance administrative, reçut la sanction légale ; toutefois, cette sanction ne lui fut pas donnée sans réserve, et, par un sentiment de défiance, on la soumit à l’obligation d’une autorisation préalable. Quant à l’ancienne société anonyme, cette association éphémère que la loi n’avait jamais entrepris de régler, elle conserva les mêmes priviléges en changeant de nom ; on l’appela dans la loi nouvelle société en participation, nom autrefois réservé à l’une de ses branches.