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taux. Tout ce qui est de l’homme s’efface, les associés n’intervenant personnellement que pour nommer leurs mandataires, et se faire rendre compte, à certains intervalles, de l’emploi de leurs fonds. Quant à la commandite, on peut la regarder, si l’on veut, comme une société mixte, en observant toutefois que la position des commanditaires est fort différente de celle des membres de la société anonyme, puisque ceux-ci, en se réservant le droit de révoquer et de remplacer les directeurs, demeurent les vrais dépositaires de l’autorité suprême, tandis que les autres, une fois leurs fonds versés, abdiquent toute autorité, toute influence, et s’effacent en quelque sorte derrière les associés gérans.

Quand on considère dans son ensemble le système dont on vient de voir l’exposé, on ne peut s’empêcher d’être frappé de l’esprit restrictif qui le domine et qui se révèle d’ailleurs dans ces seuls mots : La loi reconnaît trois espèces de sociétés commerciales. L’association n’étant qu’un acte naturel, il semble qu’elle doive être spontanément réglée entre les parties contractantes avec des formes et des conditions librement déterminées par elles, suivant leurs intérêts et leurs besoins. Nous voyons au contraire que la loi se substitue, à certains égards, aux contractans : elle empiète sur leur libre arbitre pour leur dicter le mode d’association, en ne leur laissant que le choix entre les trois formes particulièrement déterminées par elle. Elle fait plus encore en imposant à chacune des formes qu’elle spécifie des règles étroites et rigoureuses, qui ne permettent pas même d’en modifier l’application selon les cas.

Est-ce raison ? est-ce un acte de prévoyance et de sagesse, ou seulement un abus de la réglementation, une entrave pour le commerce, une atteinte inutile et fâcheuse à la liberté des contrats ? La suite nous le fera voir. Il faut savoir en effet si les trois combinaisons proposées par la loi sont les seules possibles, si elles suffisent au commerce, si la détermination rigoureuse et les restrictions auxquelles elles sont soumises ne contrarient pas le jeu de l’association et son développement normal. Voyons d’abord quelle est l’utilité particulière de chacune de ces combinaisons.

La société en nom collectif, dont les membres mettent en commun tout ce qui a quelque valeur dans le commerce, semble au premier abord la forme la plus parfaite de l’association, comme elle en est la plus rigoureuse. C’est en quelque sorte le dernier mot, le type absolu de l’association commerciale. Mais par cela même qu’elle est rigoureuse, absolue, elle n’est guère susceptible de s’étendre sur une large échelle. Trop de conditions sont nécessaires dans une alliance si étroite pour que les convenances individuelles s’y rallient fréquemment. À des hommes qui mettent en commun leur activité industrielle, il faut des talens semblables, ou qui s’adaptent ; et s’il n’est pas absolument nécessaire que l’étendue du crédit de chacun et la somme de leurs capitaux soient les mêmes, il y faut cependant un juste rapport qui éloigne la possibilité d’une lésion. D’autre part, entre des hommes liés par une solidarité complexe, et dont chacun jouit du privilége exorbitant d’en-