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DES SOCIÉTÉS COMMERCIALES.

gager indéfiniment tous les autres, il faut encore une confiance réciproque invariable et sans bornes : il faut enfin, dans une société telle qu’elle entraîne presque inévitablement un contact perpétuel et de tous les jours, des sympathies personnelles, une sorte de conformité d’humeur, ou tout au moins une tolérance mutuelle inaltérable. Combien de fois rencontrera-t-on toutes ces conditions réunies ? Est-il possible qu’elles se réalisent dans un cercle nombreux ? Tout au plus les trouvera-t-on de temps en temps dans un petit groupe de parens ou d’amis. Aussi les sociétés en nom collectif sont-elles toujours aussi bornées par le nombre des sociétaires qu’elles sont étendues par la multiplicité des intérêts qu’elles embrassent.

La société en commandite, quoique bien rigoureuse encore, l’est beaucoup moins toutefois que la société en nom collectif. Comme la plupart des associés n’y concourent pas activement à la gestion des affaires communes, elle porte avec elle moins de germes de discorde, et peut prétendre à une existence plus longue et plus paisible. Ajoutons qu’il est plus facile de l’étendre sur une grande échelle. Là, plus aucune de ces difficultés qu’engendre dans la société en nom collectif la coopération forcée de tous les membres. Il n’est pas nécessaire que les volontés concordent dans l’exécution, que les caractères sympathisent, que les talens s’ajustent l’un à l’autre, que les associés enfin agissent et pensent de concert en toutes choses et à tout instant : il suffit qu’une fois pour toutes ils aient adopté les vues de leur gérant, et que son caractère leur réponde de la fidélité de sa gestion.

Veut-on concevoir la société en commandite dans ses données les plus rigoureuses ; que l’on suppose un inventeur qui cherche autour de lui des fonds pour exploiter sa découverte. Pour attirer à lui les capitalistes, il faut qu’il leur offre comme appât le partage des bénéfices que sa découverte promet, c’est-à-dire, qu’il les associe aux chances de son exploitation. Quelle sera cependant la forme d’association qu’il choisira ? Évidemment ce ne sera pas la société en nom collectif, car pourquoi appellerait-il des tiers à partager la direction d’une industrie dont il possède seul le secret ? À quoi bon d’ailleurs établir une solidarité d’actes là où la réciprocité n’est pas possible ? Il ne choisira pas davantage la société anonyme, où il faudrait qu’il s’abdiquât lui-même. Tous les associés y étant égaux et rangés indistinctement dans la classe des actionnaires, il devrait se résigner à devenir actionnaire pur et simple, et confondu dans la foule ; tandis que, la société n’existant que par lui et à cause de lui, le titre de chef lui appartient de droit.

Il en est de même toutes les fois qu’un négociant ou chef d’industrie, sans être précisément un inventeur, a pourtant des titres particuliers et irrévocables à la direction d’une entreprise, soit parce qu’il en est le premier fondateur, soit parce qu’il possède une capacité spéciale pour la gérer. Telle est, pour ces cas particuliers, la nécessité de la commandite, qu’on ne saurait guère comment on pourrait alors s’en passer ou la remplacer. Supprimez-la, et à l’instant vous entrevoyez de toutes parts des découvertes perdues, des