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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/448

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REVUE DES DEUX MONDES.

— Une pareille diatribe est intolérable.

— Prosper ! Prosper ! s’écria M. Chevassu, qui semblait être sur des charbons ardens.

Pendant ce moment d’émotion générale, l’étudiant buvait son thé à petites gorgées, et promenait sur les assistans un regard de pitié. Lorsqu’il eut vidé sa tasse, il la posa sur la cheminée.

— Messieurs, dit-il alors d’un air de persiflage, je demande la parole contre le rappel à l’ordre ; aux termes du règlement, on ne peut pas me la refuser.

Cette parodie redoubla le mécontentement des membres de la chambre.

— Je croyais, dit l’un d’eux, être venu ici pour discuter des intérêts sérieux, et non pour écouter des pasquinades d’écolier.

— Je ne suis pas plus un écolier que vous n’êtes un maître, répondit Prosper d’un ton si vif, que les appréhensions de M. Chevassu s’accrurent en changeant de nature.

— Je vous en prie, Dornier, dit-il à ami confident, tâchez de l’emmener, car il est capable de chercher querelle à l’un de ces messieurs, et jugez quel scandale !

— Je sais que j’ai le tort d’être jeune, reprit l’étudiant avec un accent dérisoire : aux yeux de la gérontocratie, c’est là un crime impardonnable ; mais peut-être un jour viendra où la génération nouvelle ne sera plus réduite à l’ilotisme. Oui, ce jour viendra, poursuivit Prosper en gesticulant avec feu ; j’en atteste la mémoire des hommes de 89 et les glorieux souvenirs de la république.

Des perdreaux surpris dans leurs ébats par un coup de fusil ne se montrent pas plus effarouchés que ne le parurent les représentans de la nation en entendant siffler à leurs oreilles ce redoutable projectile, la république. Ceux qui étaient debout cherchèrent leurs chapeaux, ceux qui étaient assis se levèrent. Un instant après, tous se dirigeaient vers la porte avec l’ensemble qui caractérise les évolutions parlementaires.

— On ne m’y prendra plus à accepter le thé de notre collègue !

— Après les discours du père, hélas ! mais après ceux du fils, holà !

— Nous faire assister à l’apologie de Robespierre ! C’est un guet-apens.

Telles étaient les exclamations des députés, tandis qu’ils battaient en retraite. Vainement M. Chevassu allait de l’un à l’autre en représentant que les folles paroles d’un étourdi ne devaient pas de-