Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
482
REVUE DES DEUX MONDES.

d’un air de plus en plus dégagé de préoccupation, Dominique, mon cocher, est de la race dont vous parlez. J’ai appris de lui des traits pendables ; pour un billet de mille francs, le drôle vendrait ses chevaux, ses maîtres, et lui-même par-dessus le marché ; aussi le mettrai-je à la porte au premier jour.

— L’avis au lecteur est arrivé à son adresse, se dit le rival du vicomte.

Le reste de la conversation n’offrit plus d’intérêt. Sans qu’aucune parole compromettante eût été prononcée de part ni d’autre, la marquise et Dornier s’étaient entendus, et dès ce moment il existait entre eux une de ces alliances clandestines et ténébreuses auxquelles les adversaires menacés ont d’autant plus de peine à résister que les parties contractantes sont moins scrupuleuses dans le choix des moyens.

— Il a compris à demi-mot, se dit Mme de Pontailly après le départ de son allié, et maintenant je puis me reposer sur lui du reste. Hypocrite comme il l’est, vindicatif comme je le suppose, qu’il épouse Henriette, et c’est infaillible s’il l’enlève, je serai suffisamment vengée d’elle et de cet homme odieux.

— Voilà une maîtresse femme, pensait Dornier au même instant. Que risqué-je à exécuter le plan de campagne qu’elle vient de me tracer sans avoir l’air d’y entendre malice, la candide créature ? Elle a raison d’ailleurs. Les femmes pardonnent une aimable violence, et Henriette ne sera pas plus rancunière que cette dame d’Artelle, qui est, selon toute probabilité, un être chimérique créé pour la circonstance. Chevassu est un bonhomme que je mène par le nez, et qui, la chose faite, ne soufflera mot. La colère des autres est le moindre de mes soucis ; enfin, en cas de revers, n’ai-je pas cent mille francs dans mon portefeuille ? Allons, le sort en est jeté. Enlevons Hermione !


Charles de Bernard.


(La dernière partie au prochain no ).