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DE L’ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE.

signée par huit puissances, au nombre desquelles figurait Louis XVIII ; mais douze jours après, le 25, lorsqu’il fut connu que Napoléon était aux Tuileries, les quatre puissances qui avaient conclu entre elles, en 1814, le traité de Chaumont, le renouvelèrent, et dès-lors tout fut changé diplomatiquement, au grand préjudice de la France. Après Waterloo, les négociateurs de la coalition triomphante purent dire que ce qui les avait satisfait en 1814 ne pouvait plus les contenter en 1815[1]. M. de Talleyrand ne sut ni empêcher cette confirmation du traité de Chaumont, ni, si un nouveau traité était inévitable, y faire comprendre Louis XVIII, et assurer ainsi à la France le maintien des garanties et des frontières stipulées en 1814. Un témoin oculaire, dont la loyauté ne saurait être mise en doute, affirme qu’à Vienne M. de Talleyrand était alors en défiance à tout le monde[2]. Le 27 mars, après la réception d’un exprès qui lui avait été envoyé de Paris, le prince annonça qu’il fermait sa maison, et que sa mission avait cessé. Quelques mois après, M. de Talleyrand se retrouvait comme ministre des affaires étrangères de Louis XVIII en face de ces quatre puissances qui avaient signé seules le traité du 25 mars ; il essaya un instant de lutter contre leurs exigences impérieuses, mais il dut se retirer. « Il quitta le ministère, dit M. Mignet, devant les excès du dedans et les volontés du dehors ; » mais ne peut-on pas dire qu’il le quitta aussi devant ses propres fautes ? C’est alors que M. de Richelieu accepta le pouvoir avec courage, avec abnégation, et s’efforça d’utiliser pour son pays la faveur dont il jouissait auprès de l’empereur Alexandre. Il se dévoua à la douloureuse mission d’apporter aux chambres un traité bien onéreux sans doute, mais qui au moins nous sauvait d’un démembrement Dans cette tâche, il eut pour collaborateur un homme que tous les ministres des affaires étrangères, et surtout M. de Talleyrand, connaissaient bien, M. d’Hauterive. En travaillant sur toutes les pièces que M. le duc de Richelieu avait mises à sa disposition, M. d’Hauterive ne put cacher sa surprise quand il vit que M. de Talleyrand n’avait rien prévu. Le prince n’ignora pas les exclamations peu flatteuses pour lui de M. d’Hauterive, et il ne les lui pardonna jamais.

Ce ne sera pas une des moindres singularités de M. de Talleyrand d’avoir su, à notre époque, s’élever au premier rang des hommes

  1. Histoire des traités de paix, par Schœll, tome XI.
  2. Napoléon et Marie-Louise, souvenirs historiques, par M. le baron Meneval, tome II. — 1843. Librairie d’Amyot, rue de la Paix.