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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/507

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DE L’ÉLOQUENCE ACADÉMIQUE.

de sa parole que du pape et du pouvoir. Les ardeurs de l’imagination prêtent aussi à la foi chrétienne leurs couleurs, et dans beaucoup d’ames tendres l’image et le culte non pas de Dieu, mais de la mère de Dieu, de Marie, ont la première place. Est-ce donc la même religion, et ne dirait-on pas qu’au sein du christianisme le polythéisme s’est introduit ? Chacun combat pour ses dieux, et lance l’anathème à ceux de son voisin : tumultueuse anarchie, chaos d’où ne jaillit pas la lumière.

Raconter la régénération religieuse qui s’est accomplie au XVIe siècle est, au milieu du désordre dont nous nous plaignons, chose tout-à-fait opportune. C’est, en effet, toucher à toutes les questions qui nous émeuvent aujourd’hui. Ce renouvellement du christianisme que virent les règnes de Charles-Quint et de François Ier, cette résurrection de l’esprit évangélique, la formation d’églises nationales, les efforts du catholicisme pour résister à un déchirement aussi douloureux, ses retours de prospérité, et en même temps la liberté politique et l’indépendance reconnue de l’esprit humain s’établissant sur les ruines de l’organisation sociale du moyen-âge, tout cela forme un enseignement utile et complet où figureront tour à tour le dogme, les principes de gouvernement, les idées et les affaires, et c’est pourquoi nous pressons M. Mignet de ne plus tarder à nous donner son histoire.

Quelle a été l’influence sociale du christianisme depuis son origine, quelle est sa valeur intrinsèque, voilà deux questions capitales que doivent se partager les historiens et les philosophes. Sans contredit ces deux questions ont entre elles des rapports intimes ; néanmoins elles sont assez vastes et assez distinctes pour appeler chacune une élaboration particulière. Dans le dernier siècle, de grands écrivains ont souvent manqué d’équité quand ils ont apprécié les effets du christianisme sur les destinées des peuples et sur leurs institutions. De nos jours, il y a eu réaction contre cette injustice ; mais, commencée par des esprits éminens, cette réaction est tombée entre les mains d’imitateurs qui, venus les derniers, ont pris pour moyen de succès l’exagération. À les entendre, le christianisme est la cause unique de toute moralité, de toute grandeur. Mais la nature humaine, que devient-elle ? Ce doit être précisément le travail de l’historien vraiment impartial et profond d’opérer avec fermeté le partage entre ce qui appartient au génie particulier de la religion chrétienne, et ce qui est essentiellement humain. Vient enfin l’examen du christianisme en lui-même, comparé à la nature de l’homme. Quelles sont les vérités et les théories par lesquelles il la traduit fidèlement ? sur quels