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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/630

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REVUE DES DEUX MONDES.

qu’a produit à la chambre l’arrestation de votre fils. Avez-vous envie d’aggraver le mal en publiant vous-même l’enlèvement de votre fille ? Quelle joie, quel triomphe pour vos collègues jaloux de votre mérite ! Voyez donc, se diraient-ils, ce grand orateur, ce talent supérieur, cet homme d’état ! Il prétendait gouverner la France, et il ne sait pas même gouverner sa famille ! Croyez-moi, mon frère, point de bruit, point d’éclat. Étouffons cette fâcheuse affaire : si ce n’est pas pour votre fille, que ce soit pour vous, car votre réputation est solidaire de la sienne.

— Vous avez raison, ma sœur, répondit M. Chevassu d’un air d’abattement, et je dois me rendre à la justesse de vos remontrances. Une pareille esclandre me ferait le plus grand tort à la chambre, car la renommée d’un homme politique se compose de moralité non moins que de talent, et, comme vous l’avez dit fort judicieusement, les envieux ne manqueraient pas de m’imputer le scandale de cet évènement déplorable. Que Dornier ou un autre soit le ravisseur, il faut qu’un prompt mariage mette tout en règle avant que l’aventure soit ébruitée. Mais comment le trouver, ce misérable ?

— En le cherchant, dit M. de Pontailly ; allons d’abord à l’hôtel où il logeait ; n’épargnons aucune démarche ; les momens sont précieux, car, d’un instant à l’autre, les journaux peuvent éventer la mine, et alors tout serait perdu.

— Partons sur-le-champ, reprit le député, qui, malgré son peu d’affection pour son beau-frère, ne crut pas devoir refuser ses services.

Le marquis fit atteler aussitôt sa voiture, mais en y montant, lorsque le député s’y fut assis, il dit tout bas au cocher : — À l’hôtel Mirabeau, rue de la Paix.

— Pourquoi nous avoir fait conduire chez moi ? demanda M. Chevassu, surpris de voir la voiture s’arrêter à la porte de la maison où il demeurait.

— Parce qu’il faut que j’aie avec vous une explication à laquelle il est inutile qu’assiste Mme de Pontailly.

Les deux beaux-frères montèrent à l’appartement du député.

— Je vous écoute, dit celui-ci, fort préoccupé de cette nouvelle complication,

— Mon cher Chevassu, répondit le marquis, tout à l’heure, vous avez prononcé une parole qui m’a donné à réfléchir. Que Dornier ou un autre soit le ravisseur, avez-vous dit, il faut en finir par un prompt mariage. J’ai conclu de ces paroles que, pour vous, la chose impor-