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Page:Revue des Deux Mondes - 1843 - tome 3.djvu/643

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POLITIQUE COMMERCIALE DE L’ANGLETERRE.

décisives où la possession du pouvoir est le prix de la victoire. Par elle-même, cette situation est déjà assez remarquable pour qu’il ne soit pas indifférent de rechercher les causes qui l’ont produite, et de mesurer les tendances irrésistibles que ces causes ont créées ; mais une sollicitation plus directe nous engage encore à la sonder. Nous n’avons pas devant la politique commerciale de l’Angleterre le rôle d’observateurs désintéressés. L’Angleterre nous demande depuis plusieurs années, et avec des instances pressantes, un traité de commerce. Il nous semble donc que, sans entrer dans la discussion des conditions mêmes de ce traité, il peut être d’abord fort utile de se rendre un compte exact, d’avoir une idée nette des nécessités de la politique commerciale de l’Angleterre. Il peut sortir de cette étude préalable des lumières que l’intérêt politique et l’intérêt économique engagés dans la question, du côté de la France, ne devront pas négliger.

Parmi les causes de la prééminence industrielle et commerciale pour long-temps encore assurée à la Grande-Bretagne, la plus considérable sans doute est la supériorité des richesses accumulées ; c’est-à-dire des capitaux. Il ne faut pas se méprendre sur l’origine de cette supériorité. L’Angleterre n’en est ni exclusivement ni même principalement redevable à ce que l’on considère comme les priviléges exceptionnels de sa position géographique ou géologique. Lorsque la découverte de la nouvelle route des Indes et de l’Amérique eut commencé pour l’Europe l’ère du grand commerce, l’Angleterre n’était pas plus riche que l’Espagne ou que la France, et si l’on ne considère que les conditions naturelles, il semble à cette époque que la France et l’Espagne pouvaient devenir, aussi bien que l’Angleterre, de grandes nations maritimes et commerçantes. Au XVIIe siècle encore, les premières années de l’administration de Colbert l’ont prouvé surabondamment pour la France. Mais l’Angleterre avait dès-lors, elle a conservé jusqu’à ce jour, dans la forme de son gouvernement, l’avantage auquel elle a été vraiment redevable de la prospérité de ses intérêts matériels. Il est loin de notre pensée de faire ici allusion aux subtilités si débattues de l’équilibre des trois pouvoirs, ou, suivant des idées aujourd’hui plus en faveur, aux qualités de gouvernement attribuées aux aristocraties ; nous ne voulons louer que la forme représentative et rendre hommage à cette admirable vertu qui lui est propre, — dans quelque milieu et sur quelque base qu’on l’établisse, quelle que soit l’influence ou de caste ou de personne qui paraisse en avoir le maniement, — de provoquer la